Révolution française Tome 1
royal, sur sa fortune personnelle,
deux millions. Il obtient des avances des banquiers, des notaires, et l’État
peut reprendre ses dépenses, jusqu’aux États généraux.
Mais ces « miracles » qui rendent Necker encore
plus populaire n’apaisent pas les débats qui divisent l’opinion.
Ceux qu’on appelle les aristocrates – le comte d’Artois,
plusieurs princes du sang – veulent que les États généraux se réunissent dans
la forme de 1614 : pas de doublement du nombre des députés du tiers, et
chaque ordre (tiers état, noblesse, clergé) siégeant dans une chambre séparée.
Les aristocrates refusent une assemblée unique : ce
serait le début d’une révolution, disent-ils.
Les patriotes sont d’un avis opposé : ils
réclament le doublement du tiers état, le vote par tête et la chambre unique.
Le 5 décembre, le Parlement accepte le doublement mais ne se
prononce ni sur le vote par tête ni sur l’assemblée unique. L’opinion s’enflamme
et la popularité du Parlement s’évanouit.
Devant cet avenir incertain, l’attente anxieuse du pays est
immense. À tout instant, parce que la misère tenaille, le pain est toujours
plus cher, si la déception succède à l’espérance, la colère peut embraser les
foules.
Necker le sait, et le 27 décembre 1788, devant le Conseil d’en
haut, en présence du roi et de la reine, il plaide pour le doublement du tiers,
acte de justice, répète-t-il. Les souverains l’acceptent.
Et pour apaiser l’opinion, le Résultat du Conseil est
aussitôt imprimé et répandu dans toute la France.
On peut y lire :
« Les députés aux États généraux seront au moins au
nombre de mille.
« … Le nombre des députés du tiers état sera égal à
celui des deux autres ordres réunis et cette proportion sera établie par les
lettres de convocation. »
L’élection se fera par bailliage et les curés pourront être
députés du clergé.
Les patriotes exultent. Ce « bas clergé » des
curés partage souvent les opinions du tiers état.
Dans toutes les provinces, on remercie le roi de sa décision.
Il est le « Dieu tutélaire » et Necker son « ange ».
Pourtant, il ne s’est prononcé ni sur l’assemblée unique, ni
sur le vote par tête.
Mais l’espoir est grand.
On ne doute pas que la justice et la raison l’emporteront au
cours de cette année électorale qui commence.
Demain, c’est 1789.
DEUXIEME PARTIE
Janvier
1789-17 juillet 1789
« Ce
peuple paraît marcher
de
lui-même »
« Il n’y a plus d’obéissance nulle part et on n’est
même pas sûr des troupes. »
Necker,
février 1789
11
Louis, depuis que cette année 1789 a commencé de s’écouler, vit
dans une angoisse qui le paralyse.
La mort est là, qui s’approche.
Il ne peut rien contre elle. Elle a choisi sa proie et même
un roi ne peut la lui disputer.
Et cet agonisant c’est un enfant de huit ans, Louis-Joseph, le
dauphin, dont la naissance avait été pour Louis une flambée de joie, l’assurance
donnée par Dieu que la dynastie allait se prolonger, légitime et éternellement
renouvelée.
Mais ce fils n’est plus qu’un corps souffrant, déformé.
Il a murmuré à Louis et à Marie-Antoinette que sa mort sera
prochaine, qu’il attend cette délivrance, qu’il l’espère même.
Louis et Marie-Antoinette ont pleuré. Mais les larmes n’empêchent
pas la mort de se saisir d’un enfant, fût-il fils de roi.
Louis voudrait se recroqueviller sur cette douleur, ce
désespoir. Mais à chaque minute, il est arraché à son angoisse intime par ces
événements qui se succèdent, qui font de la quinzième année de son règne une
année cruciale.
Et une autre angoisse, politique, nourrie de l’angoisse
intime, le saisit.
Il s’interroge : et si la mort annoncée du dauphin
était le présage noir de la mort de la monarchie ?
Il tente de se persuader que son fils cadet, âgé de quatre
ans, vigoureux, est désormais le successeur désigné. Mais l’aîné avait porté l’espoir.
Et il va mourir.
Pour Louis, c’est comme si un voile de deuil couvrait tout
le royaume. Et que le roi était aussi impuissant que le père.
Et pourtant, il a accordé ce que l’opinion réclamait.
Les élections pour les représentants aux États généraux vont
se dérouler dans tous les bailliages.
Scrutin à un tour pour la noblesse et le clergé, à deux ou
trois degrés pour les paysans et dans les villes.
À Paris,
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