Révolution française Tome 1
accepte d’enregistrer un édit sur l’impôt
du vingtième.
Des manifestations de joie, des affrontements violents avec
les gardes françaises accueillent le retour des parlementaires à Paris.
Mais leur arrangement avec le roi est jugé par les plus
déterminés comme une capitulation et une lâcheté. Le Parlement à leurs yeux s’est
déconsidéré.
« Il nous faut une barrière au retour des abus, dit-on.
II nous faut les États généraux. »
Et certains ajoutent : « Une assemblée nationale. »
Quant à la reine, elle s’exclame :
« Je croyais avoir épousé un roi de France, je vois mon
erreur, je n’ai épousé qu’un roi d’Angleterre. »
Et à la Cour, on partage sa déception.
Le roi, désemparé, constate que personne n’est satisfait. L’agitation
n’a pas cessé. La crise financière s’aggrave.
Puisqu’on a renoncé à la subvention territoriale, il faut
lever des emprunts, dont l’un de 420 millions. Et le Parlement doit l’enregistrer
en séance royale.
Elle a lieu le 19 novembre 1787, à Paris.
Le roi s’exprime avec fermeté :
« Je veux tenir cette séance, dit-il, pour rappeler à
mon Parlement des principes dont il ne doit pas s’écarter. Ils tiennent à l’essence
de la monarchie et je ne permettrai pas qu’ils soient menacés ou altérés. »
Et après avoir écouté les réponses des parlementaires, il
conclut que conformément aux règles d’une séance royale, il n’y aura pas de
vote : « Il est nécessaire d’établir les emprunts portés par mon édit.
« J’ai promis les États généraux pour 1792, ma parole
doit vous suffire. J’ordonne que mon édit soit enregistré. »
Il se lève, s’apprête à partir au milieu des murmures.
Tout à coup, le duc Philippe d’Orléans lance, debout, d’une
voix furieuse mais hésitante :
« C’est illégal ! »
Il insiste pour qu’on spécifie que c’est du commandement du
roi – son cousin – que l’édit est enregistré.
Louis, le visage empourpré par la surprise, l’émotion, bredouille :
« Cela m’est égal, vous êtes le maître. »
Puis d’une voix plus forte :
« C’est légal parce que je le veux. »
Louis est indigné par la « trahison » de Philippe
d’Orléans. Et Marie-Antoinette est plus encore que Louis scandalisée par le
comportement du duc d’Orléans qui semble vouloir s’imposer comme le chef des
adversaires de la politique royale. Il faut sévir, insiste-t-elle.
Le roi s’y résout.
Le duc d’Orléans sera exilé dans son château de
Villers-Cotterêts, et deux parlementaires qui semblent avoir agi de concert
avec lui seront emprisonnés à la citadelle de Doullens. Une députation du Parlement
tentera le lendemain de faire revenir le roi sur ses décisions.
« Je ne dois compte à personne de mes résolutions, leur
répond Louis XVI. Chacun est intéressé à la conservation de l’ordre public, et
l’ordre public tient essentiellement au maintien de mon autorité. »
Mais la foule, à la sortie du Parlement, avait porté le duc
d’Orléans en triomphe.
Et les parlementaires à Paris et en province affirmaient que
« la liberté individuelle était la plus sacrée des propriétés ».
Le parlement de Rennes déclarait :
« Les abus tolérés et l’oubli des règles amènent le
mépris des lois, et le mépris des lois prépare la chute des Empires. »
10
Louis se tait. Il écoute la reine puis Loménie de Brienne
qui l’exhortent à chaque séance du Conseil d’en haut à briser cette fronde
parlementaire, cette vraie rébellion qui d’un bout à l’autre du royaume, au nom
de la liberté individuelle, de la défense du droit, veut en fait entraver le
pouvoir royal, plier l’autorité monarchique.
Il écoute Marie-Antoinette qui siège désormais au Conseil. Elle
l’incite à la fermeté :
« Si on différait, on aurait moins de moyens pour
conserver et maintenir l’autorité du roi. »
Louis baisse la tête. Il a le sentiment angoissant que quoi
qu’il décide et fasse, il ne pourra ressaisir les rênes qui, sans qu’il sache à
quel moment précis, lui ont échappé.
Peut-être était-ce en 1774, quand, peu après son accession
au trône, il avait sur les conseils de Turgot annulé la réforme Maupeou.
Et maintenant, quatorze ans plus tard, le garde des Sceaux
Lamoignon propose des mesures qui reprennent pour l’essentiel ce que Maupeou
avait réussi à
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