Révolution française Tome 1
vote
quasi universel institué pour la désignation des représentants aux États
généraux.
Ils critiquent ces assemblées électorales, où tout le monde
intervient, où l’on adopte des « cahiers de doléances », dont les
modèles sont écrits à Paris, dans les clubs.
Et c’est bien le roi qui a accepté ce débat national. Et, tête
baissée, Louis doit reconnaître que le règlement fixant les conditions de la
campagne pour les États généraux, publié le 24 janvier, outre qu’il fixe à
vingt-cinq ans l’âge auquel on peut voter, précise :
« Sa Majesté a désiré que des extrémités de son royaume
et des habitations les moins connues chacun fût assuré de faire parvenir jusqu’à
Elle ses vœux et ses réclamations. »
Et, voici que les sujets qui ne se rebellaient que par
saccades, séparées les unes des autres dans l’espace et le temps, s’emparent
dans un mouvement d’ensemble de la parole.
La campagne pour les élections aux États généraux unifie la
révolte en même temps que le royaume.
Et l’idée prévaut que le roi lui-même justifie cette révolte.
Louis s’en inquiète.
Les mots qu’il a laissé prononcer par Necker, ceux qu’il a
approuvés en organisant les élections, se sont transformés en pierres lancées
contre les privilégiés et donc aussi contre lui.
Necker avait dit :
« Le vœu du tiers état, quand il est unanime, quand il
est conforme aux principes d’équité, s’appellera toujours le vœu national. Le
temps le consacrera, le jugement de l’Europe l’encouragera et le souverain ne
peut que régler dans sa justice ou devancer dans sa sagesse, ce que les
circonstances et les opinions doivent amener d’elles-mêmes. »
C’était accorder au tiers état un rôle éminent, exprimant « le
vœu national », et donc, réduire en fait la place des ordres privilégiés !
Cela a pu apparaître comme une manœuvre habile destinée à
affaiblir les aristocrates et le haut clergé hostile aux réformes.
Mais à la lueur de l’incendie allumé par les révoltes, Louis
a la gorge serrée par l’angoisse, la crainte de s’être laissé entraîner trop
loin.
Il lit l’article écrit dès janvier 1789 par le publiciste
protestant Mallet du Pan, qui s’est réfugié en France après la révolution
genevoise de 1782.
« Le débat public, écrit Mallet du Pan, a changé de
face. Il ne s’agit plus que très secondairement du roi, du despotisme et de la
Constitution, c’est une guerre entre le tiers état et les deux autres ordres, contre
lesquels la Cour a soulevé les villes. »
Mais si le tiers état l’emporte, Louis a la conviction que
son pouvoir sera réduit, peut-être même annihilé.
Et Louis s’affole quand il lit encore – et son entourage lui
rapporte des informations convergentes – dans les dépêches des intendants « qu’ici
c’est une espèce de guerre déclarée aux propriétaires et à la propriété ».
« Dans les villes comme dans les campagnes, le peuple continue de déclarer
qu’il ne veut rien payer, ni impôts, ni droits, ni dettes. »
L’analyse des événements faite par un commandant des troupes
est encore plus inquiétante et accroît le désarroi de Louis.
« Ce n’est pas une émeute isolée comme d’ordinaire, écrit
l’officier. Les mêmes erreurs sont répandues dans tous les esprits… Les
principes donnés au peuple sont que le roi veut que tout soit égal, qu’il ne
veut plus de seigneurs et d’évêques, plus de rang, point de dîmes et de droits
seigneuriaux. Ainsi ces gens égarés croient user de leur droit et suivre la
volonté du roi. »
Louis a le sentiment qu’on l’a utilisé, trompé, et qu’on a
déformé sa pensée.
Comment, à quel moment, à quelle occasion, faire entendre ce
qu’il souhaite vraiment, même s’il est écartelé entre des orientations
nombreuses ?
Il veut bien que ses sujets espèrent que les États généraux
vont opérer « la régénération du royaume ».
Mais il récuse l’idée selon laquelle « l’époque de la
convocation des États généraux doit être celle d’un changement entier et absolu
dans les conditions et dans les fortunes ».
Et comment ne serait-il pas effrayé, bouleversé, par les
conséquences de ce mensonge, de cette illusion, qui est « une insurrection
aussi vive que générale contre la noblesse et le clergé » ?
Louis et les aristocrates mettent en cause ces membres des
clubs, des loges
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