Révolution française Tome 1
maçonniques, des sociétés de pensée, qui publient des centaines
de pamphlets, s’agglutinent dans les cafés, les librairies.
« Chaque heure produit sa brochure, constate l’Anglais
Arthur Young qui parcourt la France dans cette année 1789. Il en a paru treize
aujourd’hui, seize hier et quatre-vingt-douze la semaine dernière. Dix-neuf sur
vingt sont en faveur de la liberté. » « La fermentation passe toute
conception », ajoute Young.
À Mirabeau, Volney, Brissot, Camille Desmoulins, s’ajoutent
de nouveaux publicistes, tel Marat.
Les candidats aux États généraux s’adressent à leurs
électeurs. Mirabeau lance un Appel à la Nation provençale, et
Robespierre s’adresse à la Nation artésienne.
Et dans ou devant les cafés, les orateurs interpellent la
foule qui se presse, ainsi sous les arcades du Palais-Royal :
« Puisque la bête est dans le piège, s’écrie Camille
Desmoulins, qu’on l’assomme… Jamais plus riche proie n’aura été offerte aux
vainqueurs. Quarante mille palais, hôtels, châteaux, les deux cinquièmes des
biens de la France seront le prix de la valeur. Ceux qui se prétendent
conquérants seront conquis à leur tour. La nation sera purgée. »
Cette violence, les cahiers de doléances ne l’expriment
pas.
On veut la « régénération du royaume ».
On veut la justice, l’égalité, la liberté.
On respecte le roi. Mais on condamne le despotisme. On
réclame une Constitution.
Plus d’intendants, de subdélégués, ces agents du despotisme,
ces leveurs d’impôts !
Plus de privilèges. « La nation et le roi. »
Ces assemblées ont élu 1139 députés : 291 du clergé (parmi
lesquels 208 curés et l’évêque d’Autun Talleyrand) ; 270 de la noblesse – mais
90 sont des libéraux » : le duc de La Rochefoucauld, La Fayette –, dont
154 militaires ! Et 578 du tiers état, dont la moitié sont avocats – ainsi
Robespierre –, hommes de loi, notaires, des savants et écrivains – Bailly, Volney
–, 11 sont nobles tel Mirabeau, et 3 prêtres tel Sieyès…
Parmi les nobles, au grand scandale de Louis et de
Marie-Antoinette un prince du sang s’est fait élire : le duc Philippe d’Orléans.
Le roi, Necker, les aristocrates, les patriotes examinent ce
millier d’élus dont la plupart sont des inconnus.
La majorité d’entre eux – si l’on ajoute aux députés du
tiers les nobles libéraux et les curés – sont favorables aux réformes, influencés
par les idées du parti patriote.
Mais cette majorité pourra-t-elle se manifester ?
Il faudrait que les mille cent trente-neuf députés
délibèrent dans la même salle, forment une assemblée unique, et votent par « tête »
et non par ordre.
Et ces hommes seront soumis au grand vent des événements, des
émotions et des révoltes dans les campagnes et les rues.
Et à la fin du mois d’avril, la tempête souffle à Paris.
La ville est parcourue depuis des semaines par des bandes de
pauvres, de vagabonds, d’artisans et de compagnons sans emploi.
Les « mouches » rapportent des propos inquiétants
de femmes qui ne peuvent plus acheter le pain trop cher.
« Il est indigne de faire mourir de faim le pauvre, dit
l’une. On devrait aller mettre le feu aux quatre coins du château de Versailles. »
Un agent du lieutenant général de police souligne que « la
maréchaussée est découragée, la résolution du peuple est étonnante ; je
suis effrayé de ce que j’ai vu et entendu… Le peuple affamé n’est pas loin de
risquer la vie pour la vie ».
Et ce qui se passe à Paris est comme l’exacerbation de ce
qui a lieu dans les provinces.
Ici, « les laquais eux-mêmes dévorent les pamphlets à
la porte des palais », et « le peuple s’est follement persuadé qu’il
était tout et qu’il pouvait tout, vu la prétendue volonté du roi sur l’égalité
des rangs ».
Et il suffit, rue du Faubourg-Saint-Antoine, le samedi 25
avril, que la rumeur se répande que Reveillon, électeur, patriote, fabricant de
papier peint a dit : « Un ouvrier ayant femme et enfant peut vivre avec
quinze sous par jour », pour qu’on le brûle en effigie. On crie qu’il faut
« mettre tout à feu et à sang chez lui ». Et l’on s’en prend aussi à
Henriot, fabricant de salpêtre, qui aurait approuvé ce propos.
Peu importe que Reveillon soit un ancien ouvrier, qu’il
donne vingt-cinq sous par jour à ses trois cent cinquante ouvriers, qu’il les
paie
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