Révolution française Tome 1
cathédrale
Saint-Louis.
Les députés du tiers sont loin du roi. Ceux de la noblesse
et du clergé l’entourent. Et c’est le même contraste des couleurs : le
noir du vêtement austère des députés du tiers, le rouge, le violet, les ors et
le panache blanc de ceux du clergé et de la noblesse.
Dans la cathédrale, nobles et clercs ont leurs bancs marqués,
et les députés du tiers sont sur les bas-côtés.
L’évêque de Nancy La Fare présente au roi « les
hommages du clergé, les respects de la noblesse, et les humbles supplications
du tiers état ».
Humiliation ! Même si l’évêque dans son sermon condamne
le luxe de la Cour, invite à renoncer aux privilèges, dénonce la misère des
campagnes, et prêche la patience et la soumission.
Comment oublier que durant la traversée de la ville, le
tiers état a été acclamé, le roi, applaudi, mais que le duc d’Orléans défilant
au milieu des députés a été ovationné ?
Et lorsque passe la reine, on lui crie « Vive le duc d’Orléans ! »,
puis c’est le silence qui l’accompagne.
Louis après cette procession solennelle, entouré des siens, de
Necker, prépare son discours du lendemain, le corrige, le prononce plusieurs
fois jusque tard dans la nuit.
Il a eu le sentiment angoissant, lors de la procession, puis
à la cathédrale, qu’il vivait, avec la famille royale, peut-être leur dernière
manifestation de la splendeur du rituel de l’autorité monarchique.
Et il dépend de son discours, des conséquences qu’il aura, que
ce qu’il craint ne se réalise.
Et tout en étant décidé à affronter son destin, il a peur qu’il
ne soit déjà tracé, et qu’un discours ne puisse pas arrêter la roue qui tourne
inexorablement.
Lorsqu’il entre à une heure de l’après-midi, dans la salle
des Menus-Plaisirs, ce 5 mai, accompagné de la reine qui prendra place à sa
droite, et des ministres qui s’installeront derrière lui, il sait que les
députés sont là depuis huit heures du matin, pour répondre à l’appel de leur
nom.
Les députés du clergé et de la noblesse sont assis sur les
côtés droit et gauche de l’immense salle, ceux du tiers forment une masse vive,
au fond face au roi. Son trône, placé sur une estrade, est surmonté d’un dais
violet aux fleurs de lys d’or.
Louis commence à lire d’une voix ferme, presque rude.
Il veut affirmer son pouvoir souverain, fixer des bornes à
ce mouvement qui l’a emporté jusqu’ici, à ces députés qui en sont l’expression.
« Une inquiétude générale, un désir exagéré d’innovations,
dit-il, se sont emparés des esprits et finiraient par égarer totalement les
opinions, si on ne se hâtait de les fixer par une réunion d’avis sages et
modérés… Les esprits sont dans l’agitation mais une assemblée de représentants
de la nation n’écoutera sans doute que les conseils de la sagesse et de la prudence. »
Le discours du garde des Sceaux est à peine écouté, et celui
de Necker tant attendu déçoit. Le ministre si populaire parle longtemps, sa
voix s’épuise. Il fait lire la conclusion de son discours.
On applaudit, certes, on crie « Vive le roi ! »,
et on acclame même la reine.
Dans l’entourage du roi, on se rassure : même Necker a
paru admettre l’existence des trois ordres, et ni le roi ni ses ministres n’ont
fait allusion à une Assemblée unique, à une Constitution, ni naturellement au
vote par tête.
Louis se tait, mais il a la certitude que rien n’est joué.
Il lui suffit de lire ce nouveau journal, dont les crieurs
lancent le titre dans les rues, le Journal des États généraux, publié
par Mirabeau, pour savoir que le tiers état ne renoncera pas à obtenir le vote
par tête, et la délibération en Assemblée unique et non par ordre.
Mirabeau critique Necker, les « longueurs
insupportables de son discours, ses répétitions sans nombre, ses trivialités
dites avec pompe »…
Il faut faire taire Mirabeau, dit Necker, interdire ce Journal
des États généraux. C’est fait le 7 mai. Mais Mirabeau change de titre, publie Une lettre du Comte de Mirabeau à ses commettants, et écrit : « Vingt-cinq
millions de voix réclament la liberté de la presse et la Nation et le Roi
demandent unanimement le concours de toutes les lumières et un ministre
soi-disant populaire ose effrontément mettre le scellé sur nos pensées, privilégier
le trafic du mensonge… Non,
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