Révolution française Tome 1
encore
reculer. »
Louis écoute Dreux-Brézé qui raconte d’abord qu’il a dû
traverser la cour du palais pour se rendre auprès du roi. Il a vu et entendu la
foule, anxieuse, mais déterminée, acclamant le tiers état, et Necker qui
annonce qu’il ne démissionnera pas.
La foule a crié : « Monsieur Necker, notre père. Ne
nous abandonnez pas. »
« Non, non mes amis, je resterai avec vous », a
répondu le ministre.
« La populace qui se permet tout, exige qu’on illumine
la ville en l’honneur de cet événement. »
Puis Dreux-Brézé rapporte les propos de Bailly et Mirabeau.
Le roi baisse la tête, bougonne.
« Ils veulent rester, eh bien foutre, qu’ils restent. »
Il est épuisé.
Que peut-il faire puisque « les gardes françaises ont
assuré qu’elles étaient tiers état, et ne tireraient que sur les nobles et les
ecclésiastiques ; les officiers ne sont plus les maîtres, l’un d’eux a
reçu un soufflet d’un soldat ».
Le tiers état reprend donc ses délibérations.
Le 24 juin, la majorité des membres du clergé le rejoint.
Le lendemain, quarante-sept nobles les imitent, et parmi eux
Philippe, duc d’Orléans.
On pleure, on s’embrasse, on acclame le cousin du roi, bon
patriote.
La réunion du tiers état, du clergé et de ces nobles
apparaît être de plus en plus l’Assemblée nationale.
Et le défi qui est lancé au roi est redoublé.
Alors même que le souverain sort affaibli de l’échec de sa
première tentative de coup de force.
Que faire ?
Demander à trois régiments d’infanterie et trois régiments
de cavalerie de quitter les frontières et de se diriger vers Paris, où ils
devront arriver au plus tard le
13 juillet. Et dans l’attente, dissimuler ses intentions.
Louis donne l’ordre à son « fidèle clergé et à sa
fidèle noblesse » de se réunir à l’assemblée du tiers état.
On illumine à Versailles, au Palais-Royal.
« La révolution est finie », écrit-on.
Mirabeau, devant l’Assemblée, déclare :
« L’histoire n’a trop souvent raconté les actions que
de bêtes féroces, parmi lesquelles on distingue de loin en loin des héros. Il
nous est permis d’espérer que nous commençons l’histoire des hommes. »
14
Comme Mirabeau, Louis voudrait « espérer ».
Et durant quelques instants, il a cru en effet que le peuple
satisfait allait se rassembler autour de lui.
Ce soir du 27 juin, la foule réunie dans la cour du château
de Versailles a crié « Vive le roi ! », « Vive le tiers
état ! », « Vive l’Assemblée ! », et Louis a décidé de
s’avancer en compagnie de la reine, sur le balcon.
Il a vu cette foule joyeuse, qui le remerciait d’avoir
invité le clergé et la noblesse à se réunir au tiers état, et Louis a été ému
aux larmes, embrassant la reine qui pleurait aussi. Et la foule les a acclamés.
Puis Louis est rentré dans le palais et il a été aussitôt
entouré par ses proches. La reine a cessé de pleurer et, comme le comte d’Artois
et le comte de Provence, elle adjure le roi de rassembler de nouvelles troupes
autour de Versailles, et de Paris.
Foulon de Doué, chargé d’approvisionner ces troupes qui
arrivent de Metz, de Nancy, de Montmédy, et qui représenteront bientôt trente
mille hommes, rapporte que leur présence est d’autant plus nécessaire que les
gardes françaises n’obéissent plus aux ordres.
Des compagnies se rebellent, se mêlent au peuple, crient :
« Nous sommes les soldats de la nation, Vive le tiers
état ! »
Certains ajoutent :
« Les troupes sont à la nation qui les paie et non au
roi qui voudrait les commander. »
Et quand les soldats rentrent dans leur casernement, ils
lancent à la foule : « Soyez tranquilles, faites ce qu’il vous plaira ! »
Louis n’a même plus, en écoutant ses frères, la reine, Foulon,
le souvenir de ce bref moment d’espoir qu’il a vécu.
Les dépêches qui se succèdent en ce début du mois de juillet
sont inquiétantes.
Paris, écrasé par une chaleur extrême, bouillonne. Au
Palais-Royal, à toutes les portes de la ville, dans les faubourgs on se
rassemble, on manifeste, on roue de coups tous ceux qui refusent d’acclamer le
tiers état.
Le duc du Châtelet, colonel commandant des gardes françaises,
a fait enfermer dans la prison de l’Abbaye onze soldats, qui ont tenu des
propos séditieux, refusé d’obéir.
Et aussitôt plusieurs centaines de
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