Révolution française Tome 1
cortège s’arrête, face à des dragons du Royal-Allemand, commandés
par le prince de Lambesc.
Les cavaliers commencent à avancer vers la foule qui hésite,
reflue vers les terrasses des Tuileries, trouve là des pierres, des blocs
déposés en vue de la construction d’un pont sur la Seine.
On s’abrite, on lance des cailloux sur les dragons.
Lambesc charge, blesse d’un coup de sabre un vieillard.
Fureur, rage contre « le sanguinaire Lambesc ». On
résiste aux charges.
On pousse des cris de joie quand les gardes françaises
arrivent place Louis-XV et tirent sur les dragons.
Un dragon est renversé, fait prisonnier, malmené.
Lambesc hésite, craint qu’on ne relève le pont tournant, l’empêchant
ainsi de reculer, de passer sur la rive gauche.
Il se dégage, en chargeant, puis évacue la place.
On exulte. On crie qu’il faut se saisir du prince de Lambesc,
qu’il faut « l’écarteler sur-le-champ ».
On retourne au Palais-Royal. On pille les armureries, on
bouscule, frappe les passants qui n’arborent pas la cocarde verte.
On s’arrête devant les guinguettes, les estaminets, les
cabarets.
On raconte « la bataille » contre le
Royal-Allemand. Les victimes (un blessé !) dans les récits se multiplient,
font naître l’effroi et la fureur. Et quand on voit surgir des cavaliers du
Royal-Allemand qui patrouillent dans les faubourgs et le long des boulevards, les
gardes françaises présents dans les cortèges les attaquent, les tuent.
À Versailles aussi le peuple est dans la rue, et les députés
protestent contre le renvoi de Necker.
Il « fallait en châtier les auteurs », « de
quelque état qu’ils puissent être », dit l’abbé Grégoire, et l’archevêque
de Vienne lui-même, au nom de l’Assemblée, déclare au roi « que l’Assemblée
ne cesserait de regretter l’ancien ministre et qu’elle n’aurait jamais
confiance dans les nouveaux ».
Louis répond avec une fermeté qui surprend le prélat.
« C’est à moi seul, dit-il, à juger de la nécessité des
mesures à prendre. Et je ne puis à cet égard apporter aucun changement. »
Quant à la présence de troupes dans Paris, il ajoute :
« L’étendue de la capitale ne permet pas qu’elle se
garde elle-même. »
Louis a appris que, commandés par le baron de Besenval, les
régiments suisses ont quitté le Champ-de-Mars, et, après un long détour par le
pont de Sèvres, atteint les Champs-Elysées. Ils n’ont pas rencontré de
manifestants et ont regagné leurs campements.
Louis peut s’abandonner à ce sommeil qui l’envahit.
Mais Paris ne dort pas.
« Toutes les barrières depuis le faubourg Saint-Antoine
jusqu’au faubourg Saint-Honoré, outre celles des faubourgs Saint-Marcel et
Saint-Jacques, sont forcées et incendiées » dans la nuit du 12 au 13
juillet. Les émeutiers espèrent que la destruction des octrois fera baisser le
prix du grain et du pain, qui est à son niveau le plus élevé du siècle.
La ville est ainsi « ouverte », et « la
multitude y entre » dès le début de la matinée du lundi 13 juillet.
Les hommes (des « brigands », disent les bourgeois
qui se sont calfeutrés chez eux) armés de piques et de bâtons pillent les
maisons, crient qu’ils veulent « des armes et du pain ».
Ils dévalisent les boulangeries, les marchands de vin, dévastent
le couvent de Saint-Lazare, brisent la bibliothèque, les armoires, les tableaux,
le cabinet de physique et dans les caves défoncent les tonneaux, trouvent du
grain dans les réserves. Ils obligent les passants à boire.
On découvrira dans les caves du couvent une trentaine de
pillards, noyés dans le vin.
Les « bourgeois » – qui furent les électeurs aux
États généraux – veulent faire cesser ce pillage, craignent le désordre, la
destruction de tous les biens.
Ils se réunissent, décident de créer une garde nationale, milice
bourgeoise de 48 000 hommes qui défendra Paris contre les pillards, les
brigands et les régiments étrangers.
Le prévôt des marchands Flesselles est désigné pour présider
une Assemblée générale de la Commune.
Il faut des armes pour la milice. « Paris, dit Bailly
qui sera maire de la ville, court le risque d’être pillé. » « En
pleine rue, des créatures arrachaient aux femmes leurs boucles d’oreilles et de
souliers. »
La milice s’organise, se donne une cocarde aux couleurs de
Paris, rouge et bleu.
On achète aux
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