Révolution française Tome 1
a le droit puisqu’il s’agit
du bien du royaume dont Dieu lui a confié la charge.
Le moment est proche où le roi abattra sa carte maîtresse :
le renvoi de Necker qui sera remplacé par le baron de Breteuil, l’armée étant
confiée au duc de Broglie, vieux maréchal de la guerre de Sept Ans, qui sera
ministre de la Guerre.
Lors du Conseil des dépêches du samedi 11 juillet, Louis ne
révèle rien de ses intentions.
Mais le Conseil clos, il charge le ministre de la Marine, le
comte de La Luzerne, de porter à Necker l’ordre de sa démission.
Lettre tranchante demandant à Necker de quitter le royaume. Louis
imagine bien en effet que la démission de celui que la foule appelle « notre
père » provoquera des troubles.
Mais il ne peut pas penser avec précision au-delà de sa
décision.
Il n’est pas capable de prévoir les mesures à prendre.
Ces jours d’angoisse et de choix l’ont épuisé.
L’un des ministres renvoyés avec Necker, le comte de
Saint-Priest, notera :
« Le roi était dans une anxiété d’esprit qu’il déguisa
en affectant plus de sommeil qu’à l’ordinaire, car il faut savoir qu’il s’endormait
fréquemment pendant la tenue des Conseils, et ronflait à grand bruit. »
Le lendemain, dimanche 12 juillet 1789, Paris et la France
vont réveiller brutalement le roi Louis XVI.
15
Dimanche 12 juillet-Lundi 13 juillet
Louis, à Versailles, et les députés aux États généraux sont
encore ensommeillés quand ce dimanche
12 juillet 1789, la nouvelle du renvoi de Necker se répand
dans Paris.
Il est autour de neuf heures.
La foule est déjà dans la rue, parce que la chaleur stagne
dans les soupentes, dans les logis surpeuplés, et les vagabonds, les indigents
et les paysans réfugiés dans la ville ont dormi à la belle étoile. Et puis c’est
dimanche, le jour où l’on traîne, du Palais-Royal aux Tuileries, des portes de
Paris au faubourg Saint-Antoine.
On a chaud. On a soif. On parle fort. On boit dans les
estaminets. Et tout à coup, cette rumeur qui court : Necker, le « père
du peuple », a été chassé par les aristocrates, la reine, le comte d’Artois,
cette cabale qui gouverne le roi.
Ils veulent donc étouffer le peuple, le massacrer, dissoudre
l’Assemblée nationale.
Ils vont donner l’ordre aux régiments étrangers qui campent
au Champ-de-Mars et sur les collines de tirer sur le peuple, de bombarder la
ville comme on le craint depuis près de dix jours.
On avait raison. Ils ont trahi le peuple.
À la fin de la matinée, on se presse au Palais-Royal, place
Louis-XV, aux Tuileries.
Des bandes d’« infortunés », de déguenillés dont
les visages et les propos attirent et effraient, parcourent les rues.
Au Palais-Royal, vers midi, un homme jeune, un avocat, un
journaliste, bondit sur une chaise, lève le bras, commence à parler d’une voix
enflammée.
On répète son nom, Camille Desmoulins.
Ils sont plus de dix mille à l’écouter.
Depuis plusieurs heures déjà cette foule s’échauffe, brandit
les poings, des piques, ces faux dont on a redressé la lame.
On a fustigé ce comte d’Artois pour qui Necker, aurait-il
dit, n’est qu’« un foutu bougre d’étranger ».
Et des agents soldés du duc d’Orléans ont répété dans la
foule que ce sont les « abominables conseillers du roi qui ont obtenu le
renvoi de Necker ».
Ils veulent « purger » la ville.
Et Desmoulins lance :
« Aux armes ! Pas un moment à perdre ! J’arrive
de Versailles : le renvoi de Necker est le tocsin d’une Saint-Barthélemy
des patriotes. Ce soir, tous les bataillons suisses et allemands sortiront du
Champ-de-Mars pour nous égorger ! Il ne nous reste qu’une ressource, c’est
de courir aux armes ! »
« Aux armes ! » reprend-on.
Camille Desmoulins arrache des feuilles de marronnier, les
accroche à son chapeau.
Cette cocarde verte sera le signe de ralliement de tous ceux
qui veulent empêcher le massacre des patriotes.
« Aux armes ! Aux armes ! » crie-t-on en
s’élançant.
On se rend au cabinet de cire de Curtius. On lui emprunte
les bustes de Necker et du duc d’Orléans. Un cortège se forme, d’hommes et de
femmes qui arborent la cocarde verte et se dirigent vers les Tuileries.
Place Vendôme, ils lapident un détachement du Royal-Allemand
qu’ils refoulent, et, en brandissant les deux bustes, en criant « Aux
armes ! », ils arrivent place Louis-XV.
Le
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