Révolution française Tome 1
Villequier, le comte d’Estaing -et de trente-deux députés tirés
au sort.
Les gardes du corps sont sans armes.
Mais la milice bourgeoise de Versailles qui accompagne le
carrosse royal jusqu’à Sèvres, comme la milice bourgeoise de Paris qui le
reçoit, sont sous les armes.
Le peuple à la porte de Paris crie « Vive la nation ! ».
Et Bailly le maire, en remettant les clés à Louis, déclare :
« J’apporte à Votre Majesté les clés de sa bonne ville
de Paris. Ce sont les mêmes qui ont été présentées à Henri IV. Il avait
reconquis son peuple, ici c’est le peuple qui a reconquis son roi… Sire, ni
votre peuple ni Votre Majesté n’oublieront jamais ce grand jour, c’est le plus
beau de la monarchie, c’est l’époque d’une alliance auguste, éternelle, entre
le monarque et le peuple. Ce trait est unique, il immortalise Votre Majesté… »
On traverse Paris.
Le peuple en armes ne crie pas « Vive le Roi ! ».
Louis voit tous ces visages, ces piques, ces fusils.
Il entre dans l’Hôtel de Ville sous une voûte d’épées
entrelacées.
On lui remet la nouvelle cocarde où le blanc de la monarchie
est serré entre le bleu et le rouge de Paris.
On l’accroche à son chapeau.
« Vous venez promettre à vos sujets, lui dit le
représentant des électeurs de Paris, que les auteurs de ces conseils désastreux
ne vous entoureront plus, que la vertu, trop longtemps exilée, restera votre
appui. »
Louis murmure : « Mon peuple peut toujours compter
sur mon amour. »
Au même moment, à Saint-Germain-en-Laye, un meunier
soupçonné d’accaparement de grains est conduit sur la place, jugé, condamné à
mort. Et un garçon boucher lui tranche le cou, au milieu des hurlements de
satisfaction !
Et dans la salle de l’Hôtel de Ville de Paris, Louis XVI
sourit vaguement, écoutant les discours qu’on lui adresse. Le maire Bailly, d’un
coup de pied, a écarté le petit carreau de velours sur lequel il devrait selon
l’étiquette s’agenouiller. Et il parle au roi debout.
Un témoin, Lindet, pourtant adversaire de la Cour, se sent
humilié par l’atmosphère de cette réception : « La contenance niaise
et stupide du roi faisait pitié », se souviendra-t-il.
Mais Louis est rassuré.
Une voix au fond de la salle a lancé « Notre roi, notre
père », et les applaudissements ont crépité, puis les cris de « Vive
le roi ! ».
Louis peut rentrer à Versailles, bercé par le balancement du
carrosse.
Il est dix heures du soir.
La reine, en larmes, l’accueille. On l’entoure, on se laisse
aller, après la peur, à la joie des retrouvailles.
Le roi est vivant, rien n’est perdu.
Mais l’ambassadeur des États-Unis à Paris, Thomas Jefferson,
qui a assisté à la réception de Louis XVI à l’Hôtel de Ville, écrit :
« C’était une scène plus dangereuse que toutes celles
que j’ai vues en Amérique et que celles qu’a présentées Paris pendant les cinq
derniers jours. Elle place les États généraux hors de toute attaque et on peut
considérer qu’ils ont carte blanche…
« Ainsi finit une amende honorable telle qu’aucun
souverain n’en avait jamais fait, ni aucun peuple jamais reçu. »
Un autre Américain, Gouverneur Morris, précise crûment :
« L’autorité du roi et de la noblesse est entièrement
détruite. »
Louis, dans ses appartements de Versailles, s’est endormi.
TROISIÈME PARTIE
18 juillet 1789-octobre
1789
« Mes amis, j’irai à Paris
avec ma femme et mes enfants »
« Voilà le peuple : quand lassé de ses maux
il lève la tête avec ferveur contre les despotes, il ne lui suffit pas de
secouer le joug, il le leur fait porter et devient despote lui-même. »
Loustalot
Les Révolutions de Paris, août
1789
17
Louis se réveille dans la chaleur stagnante et accablante
qui écrase cette deuxième quinzaine de juillet 1789.
Une vapeur grise recouvre les bassins et les bosquets du
parc de Versailles.
Tout est silence comme dans un tombeau.
Les valets sont absents, et quand ils s’approchent, leur
désinvolture ironique frôle le mépris et l’arrogance. Les courtisans ont déserté
le château. Les princes ont choisi d’émigrer.
Louis se lève, se rend chez la reine.
Dans l’hostilité et la haine, ou l’abandon qui les entourent,
et dont il craint qu’ils n’engloutissent sa famille, Louis se sent proche de
Marie-Antoinette et de leurs deux enfants.
Et dans la
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