Révolution française Tome 1
tranchée, et promenée par les rues au bout d’une pique.
Bailly, au nom de la Commune de Paris, obtient de l’Assemblée
qu’elle vote une loi martiale permettant de disperser les attroupements.
Des drapeaux rouges seront portés dans toutes les rues, et
aux carrefours. L’un d’eux sera suspendu à la principale fenêtre de l’Hôtel de
Ville.
« À ce signal tous les attroupements, avec ou sans
armes, deviendront criminels et devront être dispersés par la force. »
Robespierre est intervenu pour s’opposer à cette loi. « Quand
le peuple meurt de faim, il s’attroupe, dit-il. Il faut donc remonter à la
cause des émeutes pour les apaiser. »
Il parle d’un complot pour affamer Paris. Il condamne la loi
martiale qui risque d’étouffer la liberté.
Marat s’indigne :
« Insensés, s’écrie-t-il, croyez-vous que c’est un bout
de toile rouge qui vous mettra à couvert des effets de l’indignation publique ? »
Dans ce numéro des 10 et 11 novembre 1789 de L’Ami du
peuple, Marat justifie l’émeute, la violence, les morts qu’elles provoquent.
« Est-il quelque comparaison à faire entre un petit
nombre de victimes que le peuple immole à la justice dans une insurrection et
la foule innombrable de sujets qu’un despote réduit à la misère ou qu’il
sacrifie à sa fureur ?… Que sont quelques gouttes de sang que la populace
a fait couler dans la révolution actuelle pour recouvrer sa liberté… auprès des
torrents qu’en a fait répandre la coupable ambition d’un Louis XIV ? »
Il ajoute :
« La philosophie a préparé, commenté, favorisé, la
révolution actuelle, cela est incontestable. Mais des écrits ne suffisent pas. Il
faut des actions. C’est donc aux émeutes que nous devons tout… »
Il se moque des « cœurs sensibles qui ne voient que l’infortune
de quelques individus victimes d’une émeute passagère » et qui oublient « la
foule opprimée, massacrée pendant des siècles entiers ».
Il veut « verser de l’eau-forte dans les blessures »,
« afin de réveiller le peuple contre ceux qui lui donnent de l’opium ».
Et la loi martiale ne peut avoir été proposée que par « un
ennemi du bien public… ».
Cette apologie de l’émeute choque, scandalise, inquiète
Bailly, certains districts de la Commune de Paris.
Bailly fait saisir les presses sur lesquelles on imprime L’Ami
du peuple. Marat est même arrêté, mais relâché presque aussitôt sur
intervention de La Fayette.
C’est que les oppositions politiques se sont exacerbées, et
les ambitions des uns et des autres avivées, parce que chacun comprend qu’on
est entré dans une nouvelle période. Il s’agit d’organiser le nouveau régime et
non plus de se contenter de la Déclaration des droits de l’homme, et des
articles principaux d’une Constitution.
Et sur chaque question évoquée à l’Assemblée, les opinions
des députés divergent.
On craint Mirabeau. On sait qu’il a rencontré La Fayette. Qu’il
voudrait être ministre, conseiller le roi, la reine, ou devenir le mentor de
Monsieur, comte de Provence, frère du roi.
L’Assemblée vote une disposition selon laquelle un député ne
peut être ministre, façon d’écarter Mirabeau !
Et Marie-Antoinette dit, hautaine, au comte de La Marck qui
lui propose une fois de plus un « plan » de Mirabeau pour sauver la
famille royale en préparant leur fuite :
« Nous ne serons jamais assez malheureux, je pense, pour
être réduits à la pénible extrémité de recourir à Mirabeau ! »
Autre débat, quand l’Assemblée décide que ne pourront voter
que les citoyens actifs qui paient une contribution directe et ont plus
de vingt-cinq ans, et ne sont pas domestiques… Quant aux autres, les passifs , ils sont exclus du vote.
« Il n’y a certainement de vrais citoyens que les
propriétaires », dit un constituant.
Le suffrage sera à plusieurs degrés et ne pourront être élus
à l’Assemblée que ceux qui paient une contribution de un marc d’argent.
Robespierre s’insurge : « Cela revient à déclarer,
dit-il, que l’homme qui a cent mille livres de rente est cent mille fois plus
citoyen que l’homme qui n’a rien ! »
On l’accuse de susciter le désordre, et même d’être, affirme
la presse royaliste – L’Ami du roi, Les Actes des apôtres –, le neveu du…
régicide Damiens !
Nouvelle opposition lors du vote sur la proposition de l’évêque
d’Autun,
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