Révolution française Tome 1
paiera cher. Nous l’emmènerons à Paris, morte
ou vive. »
Le roi va recevoir une députation de l’Assemblée et ces
Parisiennes.
Et l’une des femmes – elle a dix-sept ans – qui doit parler
au souverain s’évanouit. Le roi lui donne à boire. Il est bienveillant. Les
femmes ressortent conquises.
On leur crie : « Coquines, elles sont vendues à la
Cour, elles ont reçu vingt-cinq louis, à la lanterne. »
Les gardes du corps les arrachent à la furie de leurs
compagnes. Elles retrouvent le roi qui leur promet par écrit de faire venir des
blés de Senlis et de Noyon, puis elles repartent avec Maillard dans les
voitures que le roi leur a fait donner. Mais ce n’est qu’une poignée : les
autres continuent d’assiéger le château, l’assemblée ne se calmant que peu à
peu, quand arrivent les gardes nationaux, les volontaires et La Fayette. Le
général se présente au roi. Les courtisans l’insultent, le traitent de
Cromwell, mais La Fayette assure le roi de sa fidélité, lui
garantit la protection des gardes nationaux.
Il faut, dit-il, et le président de l’Assemblée, Mounier, insiste
aussi, sanctionner les décrets pour calmer ce peuple de Paris. Et le roi, larmes
aux yeux, écrit : « J’accepte purement et simplement les articles de
la Constitution et la Déclaration des droits. »
Dehors, les femmes crient, l’une dit qu’elle veut les
cuisses de Marie-Antoinette et l’autre ses tripes.
On danse, on chante : « Nous avons forcé le bougre
à sanctionner. »
Elles réclament du pain. On leur en apporte avec du vin. Puis
la fatigue, l’ivresse, la première victoire obtenue, l’arrivée des gardes
nationaux, semblent apporter le calme.
Autour du roi, on a connu des instants de panique, discuté
de projets de fuite. Mais Louis a refusé, murmurant qu’il ne pouvait pas être
un « roi fugitif ». Et il a répété, comme écrasé par son destin, en
secouant la te : « Un roi fugitif, un roi fugitif. »
Il ne le peut pas. Il ne le veut pas.
Il est épuisé. Le silence s’est établi autour du château, Louis
dit qu’on peut aller se reposer. Et il se couche.
Et, dans Versailles, La Fayette rassuré en fait de même.
Mais à six heures du matin, les tambours du peuple
réveillent les femmes. Elles se rassemblent sur la place, face au château, avec
des hommes armés. Puis la foule se divise en colonnes, insulte les gardes du
corps. Les grilles sont fermées, et tout à coup, l’une de ces colonnes trouve
les grilles de la chapelle ouvertes, non gardées.
Elle s’y engouffre.
Elle court dans les escaliers, brise les portes, tue les
gardes du corps, s’enfonce dans les corridors, saccage, cherche et trouve les
appartements de la reine.
« Nous voulons couper sa tête, arracher son cœur, fricasser
ses foies, et cela ne finira pas là. »
« Sauvez la reine », crie un garde du corps, abattu
à coups de crosse, laissé pour mort.
La reine, réveillée, fuit affolée avec ses enfants.
Le roi la cherche, la trouve enfin.
Ils s’enlacent. Ils entendent les hurlements, ces aboiements
comme lorsque les chiens traquent le gibier blessé. Ils sont des proies, pour
la première fois de leur vie.
« Mes amis, mes chers amis, sauvez-moi », répète
la reine.
Les gardes du corps se battent, sont désarmés. On lève la
hache sur eux, mais des grenadiers des gardes françaises les arrachent aux
femmes, aux hommes sauvages.
Le bruit se répand : « Le duc d’Orléans, en frac
gris, chapeau rond, une badine à la main, se promenait d’un air gai au milieu
des groupes qui couvrent la place d’Armes et la cour du château. »
Qui l’a vu ? On entend des cris : « Notre
père est avec nous, Vive le duc d’Orléans ! »
Deux gardes du corps sont jetés à terre. On tranche leurs
têtes, on trempe ses mains dans le sang des victimes, puis on plante les têtes
au bout des piques.
On a réveillé La Fayette, il accourt. On entend la foule qui
crie « À Paris, à Paris ».
Il faut céder au peuple, dit-il, accepter de se rendre à
Paris, d’y demeurer.
Les gardes nationaux fraternisent avec les gardes du roi, les
protègent.
Le roi apparaît au balcon, puis la reine avec ses enfants, et
la foule crie : « Pas d’enfant. »
Un homme met la reine en joue mais ne tire pas. Des insultes
fusent. Elle rentre, reparaît avec La Fayette. La foule s’apaise.
Le roi promet : « Mes amis, j’irai à Paris avec ma
femme
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