Révolution française Tome 1
frère est dévoré d’ambition.
Le comte de Provence complote, finance l’un de ses proches, le
marquis de Favras, qui a recruté des gardes nationaux « soldés », en
les payant, pour qu’ils assassinent La Fayette, Bailly et Necker, la nuit de
Noël 1789.
Favras est démasqué, arrêté, mais le comte de Provence
réussit, en se présentant à l’Hôtel de Ville, à détourner les soupçons.
Mirabeau l’a conseillé, mais est aussi déçu. Le comte est d’une
prudence lâche, égoïste, soucieux non de la monarchie et du royaume, mais de
son destin personnel.
« La reine le cajole et le déjoue, confie Mirabeau. Elle
le traite comme un petit poulet qu’on aime bien à caresser à travers les
barreaux d’une mue, mais qu’on se garde d’en laisser sortir et lui se laisse
traiter ainsi. »
Le comte abandonne le marquis de Favras qui, condamné à mort,
ne livrera aucun secret.
On conduira Favras à Notre-Dame pour faire amende honorable.
Il sera accueilli place de Grève par des insultes et des cris. Et lorsqu’on lui
passe la corde au cou, la foule hurle : « Saute, marquis ! »
L’arrestation puis l’exécution de Favras, pour crime de « lèse-nation »,
justifient les inquiétudes et les soupçons.
Les journaux monarchistes, L’Ami du roi, Les Actes des
apôtres, le talent de l’un de leurs journalistes, Rivarol, la violence de
leurs propos exaspèrent les « patriotes ».
« Les aristocrates ne paraissent point battus, comme
après le 14 juillet, on croit qu’il se trame encore quelque infamie », note
Madame Roland, épouse patriote d’un inspecteur général du commerce et des
manufactures, qui tient salon patriotique.
On a arrêté un fermier général, Augeard, proche de la reine,
accusé d’avoir préparé la fuite du roi, à Metz. On s’est scandalisé de son
acquittement comme de celui du général Besenval.
Dans les provinces on signale des attroupements d’« aristocrates »,
les protestations des membres des parlements, du haut clergé.
« La guerre civile est dans les cerveaux. Dieu veuille
qu’elle n’aille pas plus loin », écrit le libraire Ruault.
Et la misère et la peur de la disette accablent toujours le « bas
peuple », ces citoyens passifs qui dans les villes forment souvent
soixante pour cent de la population masculine, et qui sont exclus de la vie de
la cité, et ont le sentiment de n’être que des « machines de travail »,
ainsi que les qualifie Sieyès.
Il y a ces heurts, dans l’armée et la marine, entre les
officiers « aristocrates » et les soldats de plus en plus rétifs.
À Toulon, l’amiral d’Albert de Rioms ordonne le châtiment
des marins qui portent la cocarde tricolore, et les menace de faire tirer la
troupe contre eux. C’est l’émeute, et l’amiral sera emprisonné.
Robespierre condamne cet amiral qui a voulu « armer les
soldats contre les défenseurs de la patrie ».
Et le Conseil général de Toulon le félicite : « Continuez
bon citoyen à éclairer la nation sur ses véritables droits. Bravez l’opinion de
ces hommes vils et ignorants… »
Ainsi, en cette fin d’année 1789, des affrontements ont lieu
chaque jour.
Le 5 décembre, les bois de Vincennes et de Boulogne sont
dévastés et pillés par des paysans des villages proches de Paris qui manquent
de bois.
La répression est sévère.
Mais certains crient à l’injustice, dénoncent l’inégalité
des conditions, et Marat attise le feu, menace :
« Si les peuples ont brisé le joug de la noblesse, ils
briseront de même celui de l’opulence. Le grand point est de les éclairer, de
leur faire sentir leurs droits, de les en pénétrer et la révolution s’opérera
infailliblement sans qu’aucune puissance humaine puisse s’y opposer. »
Ces propos inquiètent les patriotes, respectueux du droit de
propriété, qui composent la majorité qui a séparé les citoyens actifs des
citoyens passifs.
Ils sont partisans de l’égalité des droits, non des fortunes.
Mais ils restent des patriotes, préoccupés des « complots aristocratiques ».
Et aux Tuileries, la reine est anxieuse. Axel Fersen chaque
fois qu’il la rencontre la met en garde sur les dangers que court la famille
royale.
Et Marie-Antoinette fait part au roi de ses craintes, de l’angoisse
qu’elle éprouve, du sentiment qu’elle a d’être ici, dans ce palais des
Tuileries, au cœur de
Paris, surveillée par le peuple comme une prisonnière.
Elle
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