Révolution française Tome 1
Ils ignorent qu’il n’est pas homme à
plier.
Le 12 octobre, il confie à l’abbé de Fontbrune une lettre
pour le roi d’Espagne.
Il a écrit :
« Je me dois à moi-même, je dois à mes enfants, je dois
à ma famille et à toute ma maison de ne pouvoir laisser avilir entre mes mains
la dignité royale qu’une longue suite de siècles a confirmée dans ma dynastie…
« J’ai choisi Votre Majesté, comme chef de la seconde
branche pour déposer en vos mains la protestation solennelle que j’élève contre
tous les actes contraires à l’autorité royale, qui m’ont été arrachés par la
force depuis le 15 juillet de cette année, et, en même temps, pour accomplir
les promesses que j’ai faites par mes déclarations du 23 juin précédent. »
Dieu et les hommes, quoi qu’il advienne, entendront un jour
sa protestation, son refus.
QUATRIÈME PARTIE
Octobre
1789-30 septembre 1791
« Bougre de Capet ! »
« Sire, ne vous flattez pas de donner le change
aux patriotes clairvoyants. Vous ne pouvez être à leurs yeux que ce que sont
les despotes. La sottise des rois est de se croire des êtres d’une nature
supérieure à celle des autres hommes, ils ont même la folie de prétendre que le
ciel les a faits pour commander… »
Jean-Paul Marat
L’Ami du
peuple, décembre 1790
20
Louis, en ces dernières semaines du mois d’octobre 1789, parcourt
le palais des Tuileries où il doit vivre désormais. Il sort, fait quelques pas
sur les terrasses qui surplombent les jardins.
Marie-Antoinette et le dauphin s’y trouvent déjà. Les femmes,
des gardes nationaux, des artisans, tout peuple avide et curieux, les ont
réclamés. Il s’exclame et gronde, injurie, puis les femmes demandent à la reine
qu’elle leur donne les rubans et les fleurs de son chapeau. La reine s’exécute.
Il en est chaque jour ainsi.
Le peuple ne se lasse pas. Il veut voir, surveiller, interpeller,
menacer, acclamer aussi. Et Louis a le sentiment que ce palais est comme un
navire échoué, une épave autour de laquelle viennent rôder les naufrageurs.
Les gardes du corps ont été remplacés par des gardes
nationaux. Louis ne craint pas pour sa personne, mais pour la reine et le
dauphin.
Il a vu l’enfant se cacher dans les bras de sa mère. Il
entendu dire : « C’est bien vilain ici, maman. » Et
Marie-Antoinette a répondu : « Louis XIV y vivait
bien. » Mais le Grand Roi avait voulu échapper au Paris de la Fronde, s’éloigner
de la multitude, il avait construit Versailles.
Et Marat, dans L’Ami du peuple , a bien mesuré
la révolution dans la Révolution que représentent le retour du roi à Paris et l’installation
de l’Assemblée nationale dans cette salle du Manège du palais. Il a écrit :
« C’est une fête pour les Parisiens de posséder enfin leur roi. »
« Posséder », ce mot comme un carcan, un joug :
le roi est devenu le sujet de ses sujets, qui ont refusé de le rester.
Ils sont là, autour du palais, prêts à piller l’épave.
Ils remplissent les tribunes de la salle des séances de l’Assemblée.
Ils interviennent dans les discussions. On dit même que des « bandes
soudoyées » sont payées, endoctrinées dans les cafés du Palais-Royal, pour
empêcher le vote de telle ou telle motion, applaudir tel orateur.
Ces quelques centaines d’hommes et de femmes imposent ainsi
leur loi aux députés réunis dans cette salle du Manège.
« Les députés sont au Manège, plaisante-t-on, mais les
écuyers sont au Palais-Royal. »
Et dans les tribunes on se dresse, on proteste, dès que l’Assemblée
veut condamner des actes de violence.
Or des voitures de grains sont encore pillées, le 20 octobre,
faubourg Saint-Antoine, et une émeute éclate à Senlis, faisant vingt-quatre
morts.
Brissot rapporte dans Le Patriote français : « On
a encore l’affligeant spectacle de boulangers assiégés par une foule
considérable de peuple. »
Le 21 octobre, un boulanger du quartier de Notre-Dame, François,
qui chaque jour fait plus de six fournées, est accusé de cacher du pain, de
préparer des petits pains frais pour les députés. La foule l’arrache aux gardes
nationaux, qui tentent de le protéger.
Une femme crie au procureur de l’Hôtel de Ville : « Vous
faites toujours esquiver nos ennemis mais votre tête répond de la sienne. »
On entraîne François. On le pend, à la lanterne, place de
Grève, et sa tête est
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