Révolution française Tome 1
Patrie.
Elle déclare le décret de l’Assemblée « contraire au
vœu du peuple souverain », demande le « jugement d’un roi coupable »
et le « remplacement et l’organisation d’un nouveau pouvoir exécutif ».
Et ils appellent le peuple à venir signer la pétition, demain 17 juillet, un
dimanche.
On devait se réunir place de la Bastille et se rendre en
cortège au Champ-de-Mars.
Mais les gardes nationaux sont là, qui empêchent le
rassemblement. On dit que Bailly et la municipalité ont décidé d’empêcher tout
rassemblement et de faire appliquer la loi martiale.
Les bataillons de la garde nationale, soldés et volontaires
bourgeois, sont sous les armes, avec leurs drapeaux rouges, qu’on arbore aussi
aux fenêtres de l’Hôtel de Ville.
Mais les dix mille pétitionnaires, parmi lesquels de
nombreuses femmes avec enfants, qui se retrouvent au Champ-de-Mars où ils se
sont rendus par petits groupes ne peuvent imaginer que la garde nationale
tirera sur eux, même quand ils la voient arriver, avec ses fusils, ses
baïonnettes et des canons.
La tension monte cependant.
On découvre, sous l’estrade de l’autel de la Patrie, deux
hommes qui assurent qu’ils voulaient percer des trous dans les planches pour
voir les jambes et les culs des femmes.
On ne les écoute pas. Ils sont à la solde des aristocrates, assure-t-on.
Ils veulent placer une machine infernale. On les frappe. On les pend. On
tranche leurs cous. On plante leurs têtes au bout des piques. Maillard, le
commandant des « vainqueurs de la Bastille », et le peintre David
sont là, parmi la foule qui peu à peu se réduit à quelque quatre ou cinq mille
personnes.
Elles narguent les bataillons de La Fayette qui avancent, malgré
une grêle de cailloux lancés par la foule qui crie : « À bas le
drapeau rouge ! », « À bas les baïonnettes ! ».
Les drapeaux rouges sont déployés.
Les soldats tirent une première salve en l’air, puis font
feu sur la foule que chargent les cavaliers.
La fusillade continue de crépiter.
Les gardes nationaux poursuivent les fuyards, hors du
Champ-de-Mars, « dans les jardins, les gazons, les prairies alentour, la
baïonnette dans les reins, et tuent bon nombre de femmes, d’enfants, de
vieillards ».
« On compte douze à quinze cents morts par la balle et
la baïonnette », dit la rumeur.
Ils ne seront pas cent.
Mais la Seine coule comme un flot de sang.
Elle sépare modérés et républicains.
La Fayette et Bailly ne sont plus pour le peuple que des « massacreurs ».
Et les gardes nationaux qui ont tué ont exprimé leur volonté
d’en finir avec les désordres, les émeutes, les pillages, les assassinats, les
têtes au bout des piques.
Chez les « patriotes », on craint la répression. Danton
se réfugie chez sa mère à Arcis-sur-Aube puis passe en Angleterre, Desmoulins
et Marat se cachent. On brise les presses de L’Ami du peuple. Les
Révolutions de France et de Brabant cessent de paraître.
Robespierre ne rentre pas chez lui rue de Saintonge, mais
couche plusieurs nuits chez son ami le menuisier Duplay qui possède une maison
rue Saint-Honoré.
Il craint une « Saint-Barthélemy des patriotes ».
Car le drapeau rouge de la loi martiale restera suspendu sur
la façade de l’Hôtel de Ville jusqu’au 25 juillet.
« J’ai le cœur navré de chagrin de voir les choses
tournées ainsi, écrit le 26 juillet le libraire Ruault… Ainsi nous allons voir,
et nous avons déjà, deux opinions politiques entre lesquelles les Français vont
se partager… Je perçois le malheur sans fin si la division commencée la semaine
dernière continue plus longtemps… »
25
Qui l’emportera de ces « deux opinions politiques entre
lesquelles les Français se partagent », en cet été brûlant de 1791 ?
Louis, qui supporte de plus en plus mal son enfermement – son
« emprisonnement », disent les royalistes -dans les appartements
royaux des Tuileries, observe, écoute, lit.
Il est prudent, incertain.
Il n’ose croire que le silence auquel sont contraints les « patriotes
exaltés », Marat, Hébert, Desmoulins, Danton, dont les journaux ne
paraissent plus, puisse durer et que l’Assemblée nationale persiste, aggrave
les mesures, les décrets qu’elle a pris.
Au lendemain de la fusillade du Champ-de-Mars, elle a décidé
que tous ceux qui tenteraient de renouveler un pareil rassemblement et de faire
de nouvelles
Weitere Kostenlose Bücher