Révolution française Tome 2
écrit Barras, pour
combattre de pareils adversaires, que de leur opposer leurs ennemis naturels, les
patriotes incarcérés, par suite de la réaction de Thermidor. »
Et la Convention libère les « émeutiers de prairial »,
quinze cents d’entre eux, des « tape-dur », sont constitués en trois
bataillons de volontaires : les « patriotes de 1789 ».
Ce « bataillon sacré » va renforcer les six mille
hommes de l’armée de l’intérieur, chargée de protéger la Convention.
Mais Barras, qui la commande en chef, ne fait pas confiance
au général Menou. Ce ci-devant baron, qui a su mater le faubourg Saint-Antoine,
en prairial, est un modéré. Ses sympathies vont aux sections « monarchistes ».
Menou préfère négocier avec elles, qui réussissent à rassembler près de trente
mille hommes, plutôt que de les affronter.
Barras constitue donc son état-major avec des généraux qui
traînent, inactifs, dans Paris et sont suspects de robespierrisme, de
jacobinisme.
Il s’entoure ainsi de Brune, Carteaux, Dupont et de ce
général de brigade d’artillerie qu’il a connu au siège de Toulon, Napoléon
Bonaparte.
Depuis plusieurs mois, ce Bonaparte a fait des offres de
service, obstiné, faisant longuement antichambre, réussissant alors qu’il n’est
qu’un officier sans fortune, sans gloire, sans affectation, vêtu d’un uniforme
élimé, taillé dans une étoffe de mauvaise qualité, à être invité par Thérésa
Tallien, la maîtresse de Barras.
Et ce Corse, au regard insistant et brûlant, a une sœur, Pauline,
dont Fréron est amoureux au point de vouloir l’épouser.
Mais le Comité de salut public par un arrêté a « rayé
Napoléon Bonaparte de la liste des officiers généraux employés, attendu son
refus de se rendre au poste qui lui a été désigné ».
Car Bonaparte n’a pas voulu accepter un commandement à l’armée
de l’Ouest.
Il rêve d’aller aider le sultan à réorganiser son armée.
Il n’est, en fait, qu’un général sans emploi parmi tant d’autres :
soixante-quatorze suspects sont rayés comme lui des registres de l’armée active.
Mais Thérésa Tallien, mais Fréron, confirment que ce général
de vingt-six ans est une personnalité singulière. Et Barras se souvient de
cette « batterie des hommes sans peur », d’où Bonaparte, sous le feu
ennemi, dirigeait les tirs de ses canons contre les forts de Toulon. Et Barras
avait admiré l’intelligence de cet officier d’artillerie, et son sang-froid.
Barras va donc proposer à Bonaparte le commandement en
second de l’armée de l’intérieur.
« Je vous donne trois minutes pour réfléchir », dit-il
à Bonaparte.
Le temps d’un regard, et Bonaparte répond d’une voix sèche
qu’il accepte.
« Mais je vous préviens, ajoute-t-il, si je tire l’épée,
elle ne rentrera dans le fourreau que quand l’ordre sera rétabli coûte que
coûte. »
Et cela semble difficile.
Dans la nuit du dimanche 12 au 13 vendémiaire an IV (nuit du
4 au 5 octobre 1795), on entend dans tous les quartiers les tambours battre la
générale.
Les sections « bourgeoises », « royalistes »,
comme celle de Le Peletier, appellent à résister aux Comités de la Convention
qui, en créant les bataillons des « patriotes de 89 », ont réarmé les
« buveurs de sang ».
Ces sections s’arment, et les trente mille hommes qu’elles
rassemblent sont placés sous les ordres du général Danican, qui, officier d’Ancien
Régime, est entré dans la garde nationale le 14 juillet 1789, s’est battu en Vendée
comme général de brigade.
Il a dénoncé les atrocités commises par les républicains. Depuis,
il est suspect de « royalisme ».
Le général Danican ne prend son commandement de l’armée
sectionnaire que le 13 vendémiaire.
Il ne mesure pas que tout se joue en cette aube du lundi de
vendémiaire. Bonaparte a en effet appris que, au camp des Sablons, se trouvent
quarante canons. Il charge Murat, chef d’escadron, de partir avec trois cents
cavaliers du 21 e chasseur, de se saisir des pièces d’artillerie et
de les ramener à Paris où elles seront placées autour des Tuileries, prenant
les rues en enfilade.
Les cavaliers de Murat, parvenus au camp des Sablons, se
heurtent à une colonne de sectionnaires venus eux aussi avec la volonté de s’emparer
des canons. Mais ils sont contraints de reculer devant les trois cents
cavaliers qui ramènent, à bride abattue, les
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