Révolution française Tome 2
Buonarroti.
Il discourt, écrit, anime les journaux Le Tribun du
peuple et L’Égalitaire, et publie une Analyse de la doctrine de
Babeuf et du Manifeste des Égaux.
« L’ Analyse, rapporte la police, dès qu’elle est
affichée est applaudie par la plupart de ceux qui la lisent, notamment les
ouvriers. »
Et Buonarroti réunit à chacune de ses conférences deux mille
personnes.
Il faut briser cette « faction anarchiste », et le
8 ventôse an IV (27 février 1796) les Directeurs ordonnent la fermeture du club
du Panthéon.
Napoléon Bonaparte, général en chef de l’armée de l’intérieur,
est chargé d’exécuter cette décision.
Bonaparte n’hésite pas. Il connaît Buonarroti.
Ils se sont rencontrés à Oneglia, sur la côte ligure, quand
le Jacobin italien y résidait comme commissaire, et que Bonaparte, à la
réputation de robespierriste, commandait l’artillerie de l’armée d’Italie.
Mais Robespierre est mort. Et Bonaparte est devenu le
général Vendémiaire, commandant l’armée de l’intérieur.
Il a un état-major, uniforme de bonne laine, revenus.
Il a distribué les places et l’argent à tous les membres de
sa famille.
« La famille ne manque de rien, je lui ai fait passer
argent et assignats », écrit-il à son frère Joseph.
Il est souvent reçu dans le petit hôtel qu’occupe dans le
quartier de la Chaussée-d’Antin Joséphine de Beauharnais. Elle est la preuve
charnelle que l’avenir désormais lui appartient.
Il la désire avec la même fougue qu’il veut un commandement
en chef, non plus d’une armée de l’intérieur, qui n’est qu’une force de police,
mais d’une armée qu’il mènera à la victoire, par des conquêtes fulgurantes.
Et de plus, le programme politique du Directoire, cette
façon d’être au-dessus des factions, de frapper royalistes et anarchistes, lui
convient.
Chaque jour il voit Barras, Carnot, les autres Directeurs. Il
leur soumet le plan de campagne qu’il a élaboré pour l’armée d’Italie, ce pays
où les trésors s’accumulent dans les palais. On peut y rafler des millions
indispensables au Directoire.
Il sent que les Directeurs hésitent, que les députés proches
des royalistes détestent et craignent en lui le général Vendémiaire.
« J’ai peine à croire que vous fassiez la faute de le
nommer à la tête de l’armée d’Italie, écrit, à Reubell, Dupont de Nemours, membre
du Conseil des Anciens.
« Ne savez-vous pas ce que c’est que ces Corses ? Ils
ont tous leur fortune à faire. »
Mais Bonaparte a donné des gages, le 13 vendémiaire, puis en
agissant avec célérité pour fermer le club du Panthéon.
Et il y a cette relation avec Joséphine, qui rassure Barras,
cet amour naïf, cette vraie passion même que voue à la créole rouée ce Corse
maigre et résolu.
Le 12 ventôse an IV (2 mars 1796), il est nommé général en
chef de l’armée d’Italie, avec Alexandre Berthier comme chef d’état-major.
Le 19 mars (29 ventôse an IV), à dix heures du soir, avec un
retard de près d’une heure tant il a été pris par ses tâches militaires, la
préparation de son départ, Bonaparte épouse à la mairie de la rue d’Antin
Joséphine de Beauharnais, mère de deux enfants – Eugène et Hortense. Tallien et
Barras sont leurs témoins.
Il sait qu’on murmure qu’il a accepté ce mariage pour débarrasser
Barras d’une vieille maîtresse, et obtenir en contrepartie le commandement de l’armée
d’Italie.
Mais il suffit de voir Bonaparte regarder l’élégante créole,
pour savoir que ce n’est là que calomnie.
Bonaparte est follement épris. Bonaparte désire follement ce
commandement.
Le 11 mars 1796 (21 ventôse an IV), il quitte Paris pour
Nice.
Dans la voiture de poste, Bonaparte relit les instructions
que le Directoire lui a fait remettre.
Elles sont brutales et claires.
« Faire subsister l’armée d’Italie dans et par les pays
ennemis… lever de fortes contributions… »
En somme, prendre tout ce que l’on peut aux Italiens, arracher
par la force tout ce que l’on veut, et avec le butin nourrir, payer, armer les
soldats, et remplir les caisses du Directoire !
Soit. Telle est la guerre. Tel est le pouvoir des armes.
C’est désormais cela, la guerre révolutionnaire. Elle brise
les Constitutions et elle pille.
Il va le dire à ces soldats qu’il rassemble dès son arrivée
à Nice et qu’il découvre dépenaillés, indisciplinés,
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