Révolution française Tome 2
sac.
Guillotiné, Philippe Égalité, ci-devant duc d’Orléans. Il
monte dignement à l’échafaud.
Guillotinée, Manon Roland. Elle ne tremble pas, elle murmure,
avec une sorte de détachement : « Liberté, que de crimes on commet en
ton nom. »
Son mari, le ministre Roland, se suicide en apprenant que sa
femme a été « raccourcie ».
Buzot et Pétion, craignant d’être pris, mettent fin à leurs
jours, par la corde ou le poison.
Barbaroux, caché dans la région de Bordeaux, se tire une
balle de pistolet au moment où il va être arrêté. Suicide manqué, mâchoire
fracassée. On le porte moribond jusqu’à l’échafaud. Et on lui tranche la tête.
Le lucide Barnave, emprisonné à Grenoble depuis le 15 août
1792, refuse durant des mois en échange de sa liberté d’admettre sa culpabilité.
Danton le protège. Mais en novembre 1793, on le transfère à Paris. Il répète :
« Leur demander justice ce serait reconnaître la justice de leurs actes
antérieurs. Et ils ont fait périr le roi. Non, j’aime mieux souffrir et périr
que de perdre une nuance de mon caractère moral et politique. »
Et sa tête apparaît dans la sinistre « fenêtre ».
Bailly, l’ancien maire de Paris, est guillotiné sur le
Champ-de-Mars afin que son sang venge les patriotes abattus en ce lieu le 17
juillet 1791. Bailly avait ordonné d’ouvrir le feu sur ces pétitionnaires qui
réclamaient la déchéance du roi, qu’on venait de ramener de Varennes.
Et d’un bout à l’autre de la France, dans les villes
rebelles reconquises, on dresse la Sainte Guillotine.
Tallien et Ysabeau en mission à Bordeaux débaptisent le
département de la Gironde devenu celui du Bec-d’Ambès et font actionner la
machine du docteur Guillotin. Et le premier décapité est le maire de Bordeaux.
Fouché et Collot d’Herbois, à Lyon, constituent une commission
militaire, qui condamne à mort mille six cent soixante-sept « aristocrates »,
« fédéralistes », « traîtres, suspects ».
Et Carrier, à Nantes, entasse dans les barcasses les
condamnés, qu’il noiera dans la Loire.
Saint-Just l’a dit, de sa voix haletante, le 10 octobre :
« Le gouvernement provisoire de la France est révolutionnaire jusqu’à la
paix. »
Pas question donc d’appliquer la Constitution de l’an I.
« Dans les circonstances où se trouve la République, explique Saint-Just, elle
deviendrait la garantie des attentats contre la liberté parce qu’elle
manquerait de la violence nécessaire pour les réprimer. »
Et il faut pourchasser, tuer.
Saint-Just, représentant en mission à Strasbourg, rejette la
proposition du général autrichien Wurmser qui propose d’ouvrir des négociations.
« La République ne reçoit de ses ennemis et ne leur
envoie que du plomb », dit Saint-Just.
En compagnie de Lebas, un conventionnel proche de
Robespierre, Saint-Just réquisitionne, arrête, impose.
« Le pauvre peuple gémissait à Strasbourg sous le joug
des riches, l’aristocratie et l’opulence avaient fait son malheur », écrit
Lebas.
Saint-Just exige. « Dix mille hommes sont nu-pieds dans
l’armée, déclare-t-il à la municipalité. Il faut que vous déchaussiez tous les
aristocrates de Strasbourg dans le jour et que demain, à dix heures du matin, les
dix mille paires de souliers soient en marche pour le quartier général. »
Saint-Just est membre du Comité de salut public et c’est le
Comité de salut public qui gouverne la nation. Et Maximilien Robespierre qui
gouverne le Comité de salut public. Dès sept heures du matin il est à son poste,
aux Tuileries, dans le pavillon de Flore devenu Palais-Égalité.
Il lit des dépêches, surtout celles des armées.
Vers dix heures, dans une petite salle tapissée de vert, autour
d’une vaste table se tient une réunion du Comité sans président, sans
procès-verbal.
« Il faut que le Comité ne délibère jamais en présence
d’aucun étranger », a exigé Maximilien.
C’est par sa seule logique implacable, son autorité, qu’il
obtient l’assentiment des autres membres du Comité.
À treize heures, Robespierre se rend à la Convention où l’on
discute l’ordre du jour.
Vers vingt heures, la séance reprend au Comité de salut
public et va durer jusqu’à une ou deux heures du matin.
Puis Maximilien prépare ses discours, note sur un carnet les
décisions qu’il faut prendre.
Il traverse ces journées toujours poudré, guindé,
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