Révolution française Tome 2
la mort
autant que les Girondins ! Nous subirons tous les uns après les autres le
même sort qu’eux ! »
Pour Robespierre au contraire, Brissot, Vergniaud, Guadet, Gensonné,
Carra, Valazé, et ceux qui sont encore en fuite, Pétion, Roland, Barbaroux, Condorcet,
constituent « la faction la plus hypocrite dont l’histoire ait jamais
fourni l’exemple ».
Et il n’oublie pas Manon Roland.
Mais le plus fanatique des accusateurs est Hébert, qui
laisse éclater sa joie de voir comparaître les Girondins ce jeudi 24 octobre
devant le Tribunal révolutionnaire, dont on sait bien qu’il les condamnera à
mort.
« Voilà foutre le sort qui vous était réservé, lâches, déserteurs
de la sans-culotterie qui avez préféré de barboter dans le marais et vous
couvrir de boue plutôt que de gravir la Sainte Montagne où la gloire vous
tendait les bras. Vous avez voulu péter plus haut que le cul, vous avez voulu
faire fortune et vous n’avez pas réfléchi que la guillotine était au bout de la
route que vous preniez pour y arriver.
« Te voilà enfin sur la sellette, infâme Brissot…
« Eh, vite donc, Maître Samson, graisse tes poulies, et
dispose-toi à faire la bascule à cette bande de scélérats que cinq cents
millions de diables ont vomis sur la terre et qui auraient dû être étouffés
dans leur berceau, foutre. »
Les jeux sont faits.
Hébert, substitut du procureur de la Commune de Paris, désigne
Brissot comme le chef de la « faction du tyran et vendu à la Cour », coupable
« d’avoir voulu en allumant la guerre universelle anéantir la liberté en
livrant la France aux despotes ».
« C’est par vos manœuvres lâches et méprisables, coquins,
que les patriotes de Marseille, de Bordeaux, de Lyon, de Toulon ont été égorgés !
C’est vous qui avez allumé la guerre civile de la Vendée…
« La France entière vous accable ! Vous n’échapperez
pas au supplice que vous avez mérité. »
Le verdict tombe le mercredi 30 octobre vers onze heures du
soir.
L’un d’eux, Valazé, se poignarde au cœur devant le tribunal.
Les autres crient :
« Nous sommes innocents ! Peuple on vous trompe ! »
Vergniaud qui portait sur lui une fiole de poison a renoncé
à l’utiliser pour mourir aux côtés de ses amis. Tous chantent :
Contre nous de la tyrannie
L’étendard sanglant est levé.
On les entraîne. On les enferme. C’est leur dernière nuit.
« Ils se réunirent tous dans une seule chambre pour
souper. Ils se firent servir un très bon repas de tout ce qu’on put rassembler
à cette heure-là dans le quartier du Palais, en rôtis, pâtisseries, vins
délicats et liqueurs. Ils élurent un président qui leur proposa de mourir à l’instant
même. “Je me sens assez de courage pour vous tuer tous, moi le dernier et nous
éviterons ainsi l’échafaud et la mort publique.”
« Cette proposition fut reçue diversement par la bande
des condamnés qui se mirent à boire et à manger.
« Au milieu du repas on agita longtemps la question de
l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme. Dix-sept sur vingt et un
reconnurent l’une et l’autre et se refusèrent à mourir de la main du président. »
Grande foule le jeudi 31 octobre 1793, place de la
Révolution, lorsque les Girondins arrivent vers une heure. Aux vingt et un
députés on a adjoint douze autres condamnés.
Les Girondins crient : « Vive la République !
Plutôt la mort que l’esclavage ! »
Et la foule répond : « Vive la République ! À
bas les traîtres ! »
Il fallut trente-huit minutes au bourreau Samson pour
exécuter les trente-trois condamnés.
Hébert est une nouvelle fois au pied de l’échafaud.
Chacun a pu constater l’attitude courageuse des Girondins.
Hébert écrit dans Le Père Duchesne :
« Plusieurs ont fait contre mauvaise fortune bon cœur
et quelques-uns se chatouillaient pour rire, mais foutre, ce n’était que du
bout des lèvres… À chaque tête qui roulait dans le sac tous les chapeaux
étaient levés en l’air et la place retentissait des cris de “Vive la République !”.
« Ainsi finirent les brissotins, ainsi passeront tous
les traîtres. »
8.
C’est un automne et un hiver cruels.
Il a suffi de quelques semaines pour que la loi des suspects
remplisse les prisons.
Le nombre des détenus, à Paris, est multiplié par quatre
entre septembre et décembre 1793. Et les têtes roulent dans le
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