Richelieu ou la quête d'Europe
cardinal se sent perdu. Le 23 mai, il dicte son testament et gagne Tarascon , forteresse solide proche de la principauté d’ Avignon . Le 7 juin, la reine parvient à transmettre à Richelieu un exemplaire du traité signé par l’Espagne. Le cardinal dépêche aussitôt auprès de Louis XIII la plus fidèle de ses créatures, Léon Bouthillier de Chavigny. Ce dernier rejoint Sublet de Noyers et tous deux révèlent au souverain l’étendue de la conspiration ourdie par Cinq-Mars et par ses complices. Fontrailles a le temps de prendre la fuite, mais Cinq-Mars, de Thou et deux de leurs complices sont arrêtés. Un gentilhomme est également envoyé à Casal pour s’assurer du duc de Bouillon. Le roi n’a plus qu’à rejoindre Richelieu à Béziers et à régler l’affaire.
Il commence par écrire à son frère pour, tout à la fois, lui annoncer l’arrestation de Cinq-Mars et le nommer chef de l’armée de Champagne . Monsieur se laisse prendre au piège. Marie-Louise de Gonzague, quant à elle, doit faire amende honorable auprès de la duchesse d’Aiguillon et lui remet la correspondance qu’elle entretenait avec Cinq-Mars. Le 21 juin, La Gazette annonce officiellement la découverte du complot. La justice du roi est en marche. Pris de panique, Gaston s’enfuit en Auvergne et avoue sa culpabilité. Le duc de Bouillon est arrêté à Casal et sauve sa vie en cédant définitivement la principauté de Sedan à la France .
Le 28 juin, alors que le marquis de Brézé détruit la dernière flotte espagnole, Richelieu et Louis XIII se retrouvent après trois mois de séparation physique et des années d’éloignement moral. Tous les deux souffrent autant dans leur chair que dans leur âme. Mais si le roi retrouve son principal ministre, Richelieu, lui, ne retrouve pas son protecteur. Au cours des interrogatoires, Cinq-Mars révèle l’attentat manqué de Lyon et les paroles ambiguës du roi à propos de l’élimination éventuelle du cardinal. Son procès se déroule dans la ville, sous la présidence du chancelier Séguier. Le 9 septembre, alors que les Espagnols évacuent Perpignan , Monsieur le Grand et François-Auguste de Thou sont condamnés à mort et exécutés. Dès la fin du mois, des contingents français placés sous les ordres de Mazarin prennent le contrôle de Sedan . Le duc d’Orléans n’obtient le pardon du roi qu’en échange de l’abandon de tous ses droits à la succession au trône. Marie de Médicis est morte le 3 juillet en exil, en léguant son perroquet à Richelieu.
La fin du cardinal de Richelieu
Le cardinal est de retour à Fontainebleau le 13 octobre. Son état physique et psychologique est catastrophique. Obnubilé par l’assassinat, il refuse de se déplacer pour voir le roi. C’est Louis XIII qui se déplace. Richelieu ne trouve de repos que dans la sécurité de son Palais cardinal. Le 25, épuisé, il offre sa démission au roi, tout en exigeant, pour rester, que tout favori soit désormais écarté et que totale confiance soit explicitement réitérée aux ministres. Louis XIII ne répond rien pendant neuf jours. Richelieu n’hésite pas à adresser un second mémorandum au roi le 5 novembre. Le 20, enfin, le souverain répond en s’engageant à chasser quatre gentilshommes compromis dans la conjuration, et en soumettant au cardinal les termes d’un traité de paix avec l’ Autriche et l’ Espagne . Les deux hommes retrouvent in extremis , grâce aux qualités humaines du roi, leur convergence de vues.
Une semaine plus tard, Richelieu est pris d’accès de fièvre. Le 2 décembre, il crache du sang. Louis XIII se rend à son chevet ; tous deux restent seuls. Le cardinal conseille au roi de conserver en son Conseil Sublet de Noyers, Chavigny et de confier ses fonctions propres à Mazarin. Le lendemain, Louis XIII revient une dernière fois s’entretenir avec Richelieu qui, dans un dernier souffle, lui déclare : « Je n’ai jamais eu d’autres ennemis que ceux de l’État. » [3] Armand Jean du Plessis de Richelieu s’éteint quelques heures plus tard, le jeudi 4 décembre 1642, et est inhumé dans une petite chapelle de l’église de la Sorbonne, qu’il a fait restaurer.
1 -
Y. Le Guillou, « L’enrichissement des surintendants Bullion et Bouthillier ou le détournement des fonds publics sous Louis XIII », xvii e siècle , avril-juin 2001, 53 e année, n o 2, p. 195-205.
2 -
Concernant l’agitation politique qui règne en 1640,
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