Richelieu ou la quête d'Europe
conquêtes. Les conjurés prennent la peine de préciser qu’il ne s’agit pas pour eux de nuire à Louis XIII, mais de préserver les intérêts de la reine.
Or, quelques jours plus tard, Anne d’Autriche s’entretient avec le père Carré pour lui demander son intercession auprès de Richelieu et solliciter le retour à la cour de Marie de Hautefort. Il ne s’agit en réalité que d’un prétexte : la reine en profite surtout pour se plaindre de l’ingratitude et de l’outrecuidance de Cinq-Mars. Comme prévu, le père Carré rapporte la conversation à qui de droit. Anne d’Autriche est obnubilée par la crainte qu’on lui retire ses enfants. Elle ne fait confiance à personne, et pare au plus pressé. Convaincue du déclenchement imminent des hostilités, elle ne poursuit qu’un seul objectif : se ménager une retraite sûre auprès de ses fils. Mûrie dans l’intrigue, la reine fait preuve de l’intelligence nécessaire à la sauvegarde des deux enfants et à celle de la couronne promise au dauphin.
Au début de l’année 1642, Louis XIII est malade. Alarmé, Richelieu se débarrasse du duc de Bouillon en l’envoyant en Italie , à la tête d’une armée, pour l’isoler d’éventuelles intrigues. Il est par ailleurs prévu que le roi se rende en Roussillon pour s’emparer de Perpignan . Cinq-Mars doit suivre le souverain et s’éloigner de la cabale qui se trame. Il devient urgent pour les conjurés de finaliser l’entente avec l’ Espagne , d’autant que le maréchal de Guébriant écrase les Impériaux lors de la bataille de Kempen.
Richelieu a eu vent des conciliabules. Il cherche à éloigner Cinq-Mars le plus rapidement possible de la cour en lui concédant le gouvernement de Touraine , en vain. Le 2 février 1642, enfin, le roi quitte Paris pour le Roussillon . Anne d’Autriche reste à Paris avec ses deux fils.
Cinq-Mars contre-attaque aussitôt en suggérant à Louis XIII d’envoyer un ambassadeur officieux à Rome et à Madrid pour vérifier l’avancement des négociations que Richelieu est censé mener. Le favori propose même le nom de François-Auguste de Thou. Le roi accepte et remet ses instructions écrites en deux exemplaires, pour les deux compères. Louis XIII n’a plus confiance en son ministre. À la mi-février, la cour arrive à Lyon . Les conjurés souhaitent, pour la plupart, éliminer physiquement le cardinal. Mais Cinq-Mars, troublé, torturé peut-être par une tardive mauvaise conscience, préférerait recevoir un ordre du roi. Il hésite, et comme en 1636, l’attentat est reporté. Mais le favori a le courage, ou le toupet, d’évoquer l’assassinat avec le souverain. Louis XIII ne s’offusque pas, et évoque, en réponse, sa crainte de l’excommunication.
C’est dans ces circonstances que Richelieu et le roi prennent la route des Pyrénées, en choisissant des itinéraires différents. À Valence , Mazarin reçoit la barrette de cardinal. Richelieu a au moins la satisfaction d’assister à la promotion d’un ami qui lui est cher et sur lequel il sait pouvoir compter.
En ce début de printemps, les armées françaises l’emportent aisément sur les armées espagnoles. Olivarès n’attend plus son salut que de la conspiration nouée en France . Le 13 mars, Fontrailles, arrivé à Madrid , signe au nom de la France le traité préparé avec ses complices. Les troupes de Louis XIII investissent alors Collioure et se rapprochent inexorablement de Perpignan . Richelieu a été averti de la mission de Fontrailles à Madrid, mais, malade, terré à Narbonne, il est dans l’incapacité d’entreprendre quoi que ce soit. Fontrailles a même le loisir de rejoindre Cinq-Mars, seul auprès du roi, et de lui remettre le document signé.
Puis, au mois d’avril, tout bascule : Louis XIII décide d’enlever ses enfants à Anne d’Autriche, jugeant son influence pernicieuse. La reine s’affole, écrit à Richelieu, qui ne peut lui répondre. Elle décide de tout révéler.
À la même heure, sous les murs de Perpignan , Louis XIII est lui aussi malade. Cinq-Mars ne se distingue plus que par son ignorance tactique et se prend d’une querelle idiote avec le vainqueur de Collioure , La Meilleraye. Excédé, le roi ordonne au favori de se taire. Arrive alors sur place un émissaire de Richelieu, le secrétaire d’État François Sublet de Noyers, chargé de sonder le souverain, qui est d’une humeur massacrante. Comme Anne d’Autriche, le
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