Richelieu ou la quête d'Europe
a engagé avec le cardinal. Inspiré par la princesse de Gonzague et François-Auguste de Thou, il fait part au roi de critiques de plus en plus virulentes concernant les orientations politiques choisies par le principal ministre. Au printemps, les efforts du favori et de ses amis sont récompensés : Louis XIII fait entrer Cinq-Mars au Conseil.
Depuis quelques mois déjà, les princes ennemis du cardinal se sont rapprochés du jeune homme. L’affaire d’ Arras laisse des traces. En ce début d’année 1641, le favori ne cache pas sa sympathie vis-à-vis des projets du duc de Bouillon. Si le décès du comte de Soissons constitue un revers important, l’événement encourage certainement l’adhésion de Monsieur le Grand aux vues du maître de Sedan et du duc d’Orléans. À l’issue de la bataille de La Marfée , Louis XIII prend la tête de son armée et se rend sur le front pour mettre fin à toute dissidence. Il réunit son Conseil à Mézières , le 28 juillet 1641. Au moment où Cinq-Mars fait son entrée dans la pièce où se tient l’assemblée, Richelieu l’apostrophe, le couvre d’injures et lui ordonne de se retirer. Le favori ne dit mot et subit l’humiliation. Les jours suivants, le roi multiplie les égards.
Le 5 août, les troupes royales commencent l’investissement de la place de Sedan . Le duc de Bouillon n’a plus les moyens de résister longtemps. Il décide d’apporter sa soumission à Louis XIII et de sauver sa vie en plaçant sa principauté, jusque-là indépendante, sous la suzeraineté de la France . Il gagne ainsi un peu de temps mais est déjà persuadé que ses jours sont comptés. C’est dans cet état d’esprit qu’il dîne le 10 avec Cinq-Mars, et que s’ébauche une alliance. Huit jours plus tard, Gaston d’Orléans rejoint à son tour le roi à Amiens . Louis XIII connaît les amitiés de son frère avec Soissons et Bouillon et lui interdit l’entrée au Conseil. Les princes rebelles, profitant du contexte, dépêchent Louis d’Astarac, marquis de Fontrailles, pour convaincre le marquis de Cinq-Mars de rejoindre leurs rangs.
L’émissaire des factieux a alors l’extrême habileté de persuader Cinq-Mars de sa perte certaine aux yeux de Richelieu. Le favori est épouvanté et Fontrailles en profite pour le pousser aux décisions les plus extrêmes. Officiellement, les rebelles agissent pour l’intérêt du royaume et de la royauté. Ils prennent soin de déclarer vouloir débarrasser la France d’un tyran et sauver la reine. Fontrailles assure par ailleurs Monsieur de l’entier dévouement à son égard du marquis de Cinq-Mars, même si tous deux sont en réalité fort éloignés l’un de l’autre.
L’accord avec l’ Espagne
La conjoncture est d’autant plus favorable pour les ennemis du cardinal que Louis XIII est de plus en plus sensible aux insinuations de Cinq-Mars. Richelieu ferait tout pour que la guerre se poursuive et contrecarrerait délibérément les négociations de paix. Le roi est ébranlé et commence à se plaindre du despotisme exercé par son principal ministre. Cinq-Mars et ses amis gagnent en assurance. L’adhésion à leur projet du duc d’Orléans est déterminante en ce qu’elle convainc Olivarès d’y prêter une oreille attentive. En quelques mois, l’objectif des rebelles passe de l’élimination physique de Richelieu au déclenchement d’une révolte de grande envergure dans le royaume, grâce à l’intervention d’une armée espagnole.
Au mois de décembre 1641, un projet de traité avec Madrid est rédigé par Cinq-Mars, le duc de Bouillon, Gaston d’Orléans et Fontrailles. François-Auguste de Thou se montre réticent à l’égard d’une telle trahison. Si l’éviction de Richelieu lui paraissait nécessaire, l’alliance avec l’ennemi traditionnel du roi très chrétien lui semble dangereuse et dommageable. Le groupe n’est pas aussi soudé qu’aimerait le faire croire Fontrailles. Anne d’Autriche, elle-même, n’est informée que de manière très superficielle, et ne participe probablement pas à la rédaction de l’accord offert à son frère.
Philippe IV fournirait à Gaston d’Orléans une armée de douze mille fantassins et de cinq mille cavaliers. Monsieur s’engagerait comme lieutenant général du royaume, représentant son frère empêché par la tyrannie de Richelieu. En cas de victoire, Gaston signerait aussitôt la paix avec Madrid , chaque pays restituant à l’autre ses
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