Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
Vom Netzwerk:
battent pour manger dans la main des princes... C’est vrai ?
    Cette ironie-ci lui avait échappé, à elle qui l’avait en horreur. L’effet sur Ponceludon fut inattendu puisque pour toute réponse il déboutonna son gilet et le laissa tomber dans l’herbe.
    Satisfaite de s’être essayée à l’ironie, Mathilde revint à des sentiments moins belliqueux.
    — Vous avez changé... On dirait que cette comédie vous plaît. Vous deviendrez comme eux.
    Ponceludon enleva sa chemise, il la regardait en coin avec le sourire d’un enfant qui s’apprête à faire une farce.
    — Que faites-vous ?
    Il ôta ses souliers.
    — La flottaison est assurée par la loi d’Archimède... Dites-moi seulement comment on avance.
    Il n’avait plus que sa culotte de lin et s’approchait du bord.
    Ponceludon savourait le sourire radieux qu’il venait d’arracher à Mathilde.
    — Repoussez l’eau derrière vous avec les bras, et agitez les jambes à la façon des grenouilles.
    Le provincial se jeta à l’eau la tête la première. Aussitôt Mathilde se porta sur le bord de la berge pour scruter l’eau qui semblait l’avoir englouti. Elle ne le voyait plus, n’entendait plus que le vent, les oiseaux et la rivière. Une angoisse l’étreignit : se pourrait-il qu’il se fût noyé ?
    — Je m’en tiens à ma première opinion... C’est parfaitement contre nature !
    Ponceludon venait de réapparaître plusieurs toises en aval, s’ébrouant bruyamment. Mathilde, soulagée, riait de ses pitreries aquatiques. Elle eut la claire conscience qu’elle l’aimait.

 
    VIII
    « Est-ce que dernièrement l’Esprit ne s’est pas changé en une bête à prétention qu’on appelle l’Intelligence ? »
    Barbey d’Aurevilly
    D’un geste, Bernard Chérin invita Ponceludon à s’asseoir. L’écho d’un éclat de voix avec l’huissier dans l’antichambre parvint aux deux hommes. Puis un gentilhomme poussa la porte sans façon. Il parlait haut, comme un homme sûr de son nom.
    — Monsieur Chérin ! s’emportait-il, voilà plus d’une heure que je patiente, et ce gentilhomme passe avant moi !
    — Je compterai votre patience comme une preuve de noblesse, repartit le généalogiste sans lever le nez de l’acte qu’il paraphait.
    Chérin avait dans la voix un jeu subtil d’inflexions caressantes alternées de coups secs, qui calmaient les rejetons exaltés des plus hautes lignées. L’insolence tranquille du généalogiste calma celui-ci qui ravala ses rodomontades et referma la porte piteusement.
    — J’ai l’habitude, murmura-t-il. Ils se croient tous montés sur leurs grands chevaux.
    — Leurs grands chevaux ? demanda Ponceludon qui, comme de nombreux provinciaux, ignorait l’étiquette.
    Chérin lui sourit. Cette ignorance des arcanes du protocole qui faisaient sa vie lui plaisait. Il aimait faire oeuvre d’historien, mais avait le plus profond mépris pour les héritiers qui vivent de leurs arbres généalogiques comme le gui pompe la sève du chêne.
    — C’est ainsi qu’on appelle le privilège de faire entrer ses équipages dans les châteaux royaux... Mais laissons cela. Votre cas à vous ne souffre aucun délai, m’a-t-on fait savoir. Tout est arrangé.
    Cette complicité, si loin des chicanes de leur premier entretien, laissait Ponceludon sur son quant-à-soi. Il avait appris du marquis la vieille règle de cour formulée par La Bruyère, selon laquelle « s’il me fait moins attendre dans son antichambre qu’à l’ordinaire, s’il a le visage plus ouvert, s’il fronce moins le sourcil, s’il m’écoute plus volontiers et s’il me reconduit un peu plus loin, je penserai qu’il commence à tomber... ».
    — Mais... et l’acte de naissance de Sygismon de Malavoy qui me faisait défaut ? demanda Ponceludon, incrédule.
    — Si on y regardait de si près, la fine fleur du royaume tomberait dans la roture.
    Certes Chérin ne « tombait » pas, car il n’y était pas sujet, n’étant pas lui-même en cour. Mais il abdiquait du rigorisme qui faisait son redoutable prestige — ce qui est un peu « tomber », aux yeux d’un solliciteur. C’était aussi l’aveu que sa raideur première était sujette à des influences occultes, et comme l’intégrité ne se divise pas, cette réputation pouvait en être réduite à néant. Il tendit au jeune homme ses preuves.
    — Voici vos certificats en bonne et due forme...
    Il marqua un temps avant d’ajouter,

Weitere Kostenlose Bücher