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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
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côtés.
    Troublé par l’injonction, Ponceludon hésita, et prit le parti de s’asseoir à ses côtés. La comtesse se radoucit.
    — On prétend que Mlle de Bellegarde est charmante, mais personne ne la voit.
    C’est l’une des figures les plus savantes de l’agacerie badine que de s’enquérir, de manière impromptue, d’une jeune rivale, mais avec bienveillance, et d’accompagner cet intérêt d’un regard de voluptueux détachement.
    Comme elle s’y attendait, le visiteur resta coi. Mais il la dévisagea avec une intensité inhabituelle et, le silence se prolongeant, les ambiguïtés savamment entretenues furent balayées. Qu’il entrât dans les intentions de la comtesse de séduire Ponceludon n’était pas douteux, cela était dans la nature des choses, et n’avait rien que de très banal. Ce qui l’était moins pour Mme de Blayac, c’était son refus de se prêter au badinage. Le jeune homme continuait de la fixer d’un regard inquisiteur et doux, mais Mme de Blayac n’avait ni l’intention d’abandonner le jeu de la séduction, ni de le pousser plus loin — ce qui n’est plus jouer.
    Plus que par la rencontre heureuse de deux tempéraments luxurieux, le choix d’un amant était déterminé par les jalousies qu’une liaison pouvait susciter. Avoir un amant « à la mode » était le seul moyen de s’assurer un public envieux, et seuls les hommes d’esprit avaient assez de crédit pour mériter ce titre. Hors du mariage, la vanité des hommes en matière de bonne fortune rendait illusoire la concomitance prolongée de deux liaisons, et comme une femme avait beaucoup à perdre en s’affichant avec un « ennuyeux » — ou réputé tel —, il était de bonne guerre de ne se déterminer qu’à coup sûr. Bien que l’idée de souffler à Bellegarde son élève lui fût agréable, la comtesse de Blayac n’aurait pas abandonné un amant aussi gratifiant que l’abbé pour un presque inconnu dont la faveur était si récente qu’elle pouvait être éphémère. Pour l’instant, elle préférait frotter son abbé à ce jeune talent, dans un affrontement avec Bellegarde par champions interposés. En outre, la comtesse était assez sûre de son pouvoir pour ne pas douter qu’elle pourrait s’attacher le vainqueur, quand il lui plairait.
    — Savez-vous bien qu’un tête-à-tête est quelquefois encore plus embarrassant que scandaleux ?
    — Vous me jugez gauche parce qu’en moi se combattent le respect que je vous dois... et les ardents transports que vous m’inspirez, répondit Ponceludon d’un ton théâtral qui arracha à sa proie un rire moqueur.
    — Vous êtes d’un gothique ! On ne croirait pas entendre un homme d’esprit ! Vous faut-il souper pour avoir de l’à-propos ?
    Ponceludon se pencha vers elle et prit sa main.
    — Ah, comtesse, ne me soyez pas cruelle !
    Le jeune homme n’avait connu que des « filles » à étudiants et des paysannes. Les femmes de qualité, il ne les avait fréquentées qu’en imagination, aussi adoptait-il un ton emphatique et passionné, rencontré dans des romans, et que la comtesse jugeait si « gothique ». Ces manières gauches et empruntées n’empêchaient pas que Ponceludon fût en proie à un désir furieux et bien réel, encore exaspéré par sa fausseté de courtisan qui lui donnait le sentiment de dominer cette femme, illusion de toute-puissance très commune que procure aux naïfs l’exercice de la dissimulation.
    Il se pencha vers elle, lui vola un baiser et, n’ayant pas subi de rebuffade, un deuxième, beaucoup plus long.
    Quand leurs bouches se séparèrent, la comtesse de Blayac éclata de rire, puis remit de l’ordre dans ses vêtements, comme si un simple courant d’air les avait dérangés.
    — Peut-être qu’en d’autres circonstances j’aurais été flattée de vos tendres propos, finit-elle par dire avec un sourire en coin. Et cela ne serait pas la première fois que ma chambre mènerait aux salons du roi...
    — Vos soupçons m’offensent !
    Et ils l’offensaient d’autant plus que la comtesse avait vu clair en lui.
    — Au revoir, madame.
    Elle le retint en lui prenant la main. Maintenant qu’elle avait anéanti ses prétentions à mener le jeu, elle se permettait des manières engageantes et parlait d’une voix douce.
    — Ne soyez pas orgueilleux, et acceptez qu’on vous guide. Sachez mieux dissimuler votre dissimulation, afin que je puisse m’abandonner sans trop de

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