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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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frères de la Doctrine chrétienne. Il était maintenant si fortement détesté de certains protestants que les mères huguenotes menaçaient les enfants dissipés en disant : « Si tu n’es pas sage, j’appelle Vuarin ! »
     
    Les membres de la vénérable Compagnie des pasteurs continuaient à voir dans l’agrandissement du canton et les dispositions du traité de Turin une victoire du Vatican. Ils proclamaient inlassablement que « le chancre rongeur du papisme » serait soigné et que « l’impur limon catholique » serait déblayé ! Quant aux Vaudois, ils répétaient en s’esclaffant : « Les Genevois ont désenclavé leur territoire, mais ils ont enclavé leur religion. » Ce qui se vérifiait chaque année davantage.
     
    Les protestants, qui pensaient pouvoir étouffer le papisme par des méthodes insidieuses, en furent pour leurs frais. Le roi de Sardaigne, protecteur, aux termes du traité, des communes catholiques livrées à Genève, se montrait strict et prêt à faire respecter la foi de ses anciens sujets. L’évêque d’Annecy, informé des mauvaises intentions des réformés, avait, depuis longtemps, alerté le souverain sarde. « Si le roi ne protège pas ses anciens enfants contre leurs ennemis devenus leurs maîtres, c’est autant de victimes immolées à Satan et à Calvin 18  », avait-il écrit.
     
    La puissante Compagnie des pasteurs avait ensuite tenté de faire passer ce qu’on avait nommé, à l’époque, les lois éventuelles, système de calcul électoral qui « mettait les mathéma tiques au service de l’intolérance » et excluait de la vie politique tous les nouveaux citoyens catholiques. Dans une brochure, que les pasteurs s’étaient empressés de faire disparaître, le sage Sismondi avait protesté avec vigueur contre un procédé qui ravalait les catholiques au rang de citoyens de seconde classe. L’écrivain s’était ainsi attiré les reproches de M. de Candolle.
     
    Les menées des sectaires ayant échoué, Axel constatait, en ce commencement de l’année 1824, que le catholicisme était maintenant solidement implanté à Genève. Le gouvernement venait d’être contraint de modifier la loi sur le mariage civil, dans les communes cédées à Genève, sept ans plus tôt, par le traité de Turin. Dans ces villages, les mariages ne seraient validés, comme le demandait le pape, que s’ils étaient célébrés devant un prêtre. Ainsi se trouvait confirmée la mixité religieuse imposée à Genève.
     
    La cité de Calvin ne pouvait plus se targuer d’être la Rome protestante, même si la Constitution de 1814 avait confirmé la prédominance de la religion réformée. Depuis quelque temps, les Genevois les plus pessimistes imaginaient le jour où leur ville serait en majorité catholique puisque le dernier recensement révélait que si le canton comptait 31 284 protestants, il abritait aussi 19 760 catholiques et… 69 juifs ! L’extrême minorité de la communauté israélite s’expliquait par le fait que les Juifs de Genève s’étaient vu, en 1816, retirer leurs droits civiques 19 .
     
    L’autre préoccupation des Genevois venait des dissensions théologiques, qui ne faisaient que s’aggraver, au fil des années, au sein de l’Église protestante.
     
    Ainsi que Martin Chantenoz l’avait expliqué à son ancien élève, le mouvement du Réveil, en divisant les protestants, aussi bien sur l’interprétation de la doctrine que sur la pratique religieuse, servait indirectement le papisme. Cette dissidence n’était pas neuve puisque, dès 1810, quelques étudiants en théologie, Ami Bost, Jean-Guillaume Gonthier, Henri-Louis Empaytaz, Henri Pyt, s’étaient unis pour proclamer que tout avait été perdu de la Réformation, la doctrine et la vie, et qu’il convenait de reconquérir l’une et l’autre, « la doctrine d’abord, puis la vie, par la doctrine annoncée dans sa pureté ».
     
    Chantenoz suivait en curieux l’évolution du mouvement et traitait, comme tout le monde, ses adeptes de momiers. Un soir, devant une bouteille de vin d’Yvorne, il prit son ton professoral pour instruire Axel :
     
    – Au commencement du xix e  siècle et durant l’occupation française, l’Église genevoise était imbue des idées de Jean-Jacques Rousseau. Elle se mit à vivre une sorte de religion naturelle, dans laquelle le Christ apparaît comme un docteur, une sorte de caution divine humanisée, non comme une victime

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