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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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qui dénonçait leur apostolat routinier.
     
    Le doyen Curtat, effrayé par l’ampleur du mouvement qu’il avait, peut-être à son corps défendant, inspiré, essayait vainement de refréner les ardeurs des nouveaux croisés.
     
    Le Réveil vaudois donnait la prédominance aux dogmes, ceux notamment de la prédestination, de l’élection, de la grâce. Saint Paul était l’apôtre favori des réveillés, qui oubliaient les autres. Le primordial, pour eux, résidait dans une affirmation sincère de la foi. Ils voulaient des Églises homogènes, à l’abri de tout œcuménisme. Pour assurer le triomphe de leurs conceptions, ils avaient édicté des règles, imposé une discipline stricte et n’hésitaient pas à prononcer des excommunications. Sous prétexte qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, des maris de dames réveillées se plaignaient de voir leurs épouses contester l’autorité conjugale !
     
    L’objet de la loi du 20 mai était de remettre de l’ordre dans les consciences et de rétablir l’autorité de l’Église nationale, affirmée par une phrase sans équivoque dans la Constitution vaudoise de 1814 : « La religion évangélique réformée est la religion du canton. »
     
    En apprenant cela, Martin Chantenoz, hilare, avait souhaité voir les réveillées imposer à leur mari le même chantage qui avait si bien réussi à Lysistrata, l’héroïne d’Aristophane !
     
    On comprit vite, à Vevey, que cette loi injuste n’arrêterait pas le mouvement. Non seulement elle était contraire au droit des gens, mais elle faisait des réveillés des persécutés, ce qui leur attirait des sympathies qu’ils n’eussent pas obtenues autrement. Le premier effet fut la multiplication d’Églises dissidentes « constituées selon le Seigneur ». Quant aux ministres bannis, ils se mirent au service d’Églises étrangères, en attendant des jours meilleurs.
     
    Les catholiques, qui, en vertu de la Constitution, jouissaient de l’exercice de leur religion dans les communes mixtes d’Échallens, Assens, Bottens, Bioley-Orjullaz, Étagnières, Poliez-le-Grand, Poliez-Pittet, Saint-Barthélemy, Brétigny, Villars-le-Terroir et Malapalud, se gardaient bien de commenter les graves dissensions de l’Église nationale, même s’il leur arrivait de rire sous cape, quand les protestants se battaient entre eux !
     
    Bien que la loi du 20 mai ne visât que la communauté protestante, qui, dans un premier temps, l’approuva en majorité, les catholiques n’avaient rien à attendre de bon du climat créé par les décisions arbitraires d’un gouvernement intolérant. Toutefois, l’autorisation, accordée en 1810 aux catholiques, par le Conseil d’État, de construire dans les communes où leur religion n’était pas établie un lieu de culte, à condition qu’il n’ait « ni clocher ni cloches ni aucun signe extérieur de sa destination », laquelle ne pouvait être indiquée que par une simple et discrète inscription Chapelle du culte , restait valable. On constatait néanmoins, dans les milieux catholiques, que le gouvernement vaudois s’ingéniait à en limiter les effets.
     
    À Vevey, la minorité catholique venait d’obtenir le droit, grâce à la baronne Thérèse de Bock, de se doter d’un modeste sanctuaire, en plein centre de la ville. La générosité de la noble polonaise avait permis l’achat, rue d’Italie, d’une ancienne maison vigneronne des chartreux de la Part-Dieu. On y célébrait, chaque dimanche, une messe privée, officiellement réservée à la baronne et à son entourage, mais les catholiques veveysans qui se présentaient étaient, bien sûr, accueillis. Cette église, dissimulée mais tolérée, ne suscitait nulle malveillance de la part des protestants.
     
    Ainsi, quand Charlotte résidait à Vevey, chez son fils, comme elle se plaisait à préciser, elle eût pu entendre la messe « chez la baronne », à cent pas de Rive-Reine, mais, ne pouvant communier du fait de son état de femme divorcée, elle préférait ne pas se singulariser au milieu des fidèles qui, tous, la connaissaient.
     
    Pour Axel et sa mère, toutes ces considérations relatives à la religion, principal sujet de conversation depuis « la loi inique du 20 mai », furent estompées par une lettre de Blaise, datée de Fontsalte, où il venait d’arriver. Le général annonçait son retour pour les premiers jours de juin, en même temps qu’il confirmait la mort

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