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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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constituée, afin de mettre l’orchestre dans ses meubles, en achetant la maison Hentsch, à la Cour Saint-Pierre. Le banquier Pierre-Antoine Laviron, vivement encouragé par sa fille, se joignit aux mécènes et le peintre Spampani fut retenu pour décorer la future salle de concerts.
     
    Dans le même temps où les mélomanes se réjouissaient, les amateurs de baignades faisaient grise mine. Malgré la fraîcheur des eaux, on se baignait beaucoup à Genève, dans l’Arve, dans le Rhône, dans le lac. Les hommes et les enfants avaient pris l’habitude de faire trempette, nus, en pleine ville, notamment au pont de Bel-Air, au pied de la vieille tour, vestige du château bâti par l’évêque Aymon de Grandson, en 1219. Les ébats de ces adamites scandalisaient les lavandières des bateaux-lavoirs et les promeneuses des berges. Chassés de Bel-Air, les baigneurs s’étaient repliés aux Eaux-Vives et aux Pâquis, ce qui déplaçait le scandale sans l’étouffer. Aussi le Conseil représentatif avait-il proposé de construire trois maisons de bains publics aux Eaux-Vives, aux Pâquis et sur le Rhône. Ces établissements auraient été surveillés par des maîtres de natation et pourvus de cabines. Cette initiative ayant soulevé un tollé de protestations de la part des riverains, entraînés par M. Charles de Constant, personnalité très écoutée, le projet venait d’être abandonné.
     
    Axel Métaz appréciait Genève, son ambiance intellectuelle et artistique, les activités artisanales comme le haut négoce, les boutiques de luxe de la Corraterie, l’animation des rues basses et des quais, les grands hôtels, les beaux jardins. Il aimait y venir pour s’instruire, se distraire, oublier un moment le souvenir, parfois lancinant, d’Adrienne, en retrouvant Chantenoz et Juliane Laviron, intelligente et sensible, qu’il considérait maintenant comme une amie.
     
    En mai, lors de son précédent séjour, il avait appris avec surprise que dans cette ville, d’apparence prospère et heureuse, on déplorait, chaque année, de douze à quinze suicides 17 . Ces citadins désespérés se donnaient la mort par noyade, pendaison, arme à feu, arme blanche ou défenestration.
     

    Axel avait aussi constaté chez les Genevois l’inquiétude, presque l’angoisse, suscitée d’abord par la querelle religieuse patente, née du mouvement du Réveil, qui divisait les protestants, ensuite par l’expansion évidente du catholicisme.
     
    Le traité de Turin, le 16 mars 1816, avait confirmé les aménagements territoriaux de 1815. Grâce à l’habileté diplomatique de M. Pictet de Rochemont, Genève avait obtenu de la France la cession du pays de Gex, assurant ainsi la continuité territoriale avec le canton de Vaud, et de Victor-Emmanuel I er , roi de Sardaigne, la partie de la Savoie qui s’étend au pied du Salève, sur la rive sud du lac, de Cologny jusqu’à la rivière Hermance. La République s’était ainsi agrandie de 108,8 kilomètres carrés et de vingt communes : six prises à la France, quatorze à la Savoie. L’annexion constituait aussi un apport de population de seize mille habitants. Ces Français et ces Savoyards, devenus genevois, étaient restés catholiques. Le traité de Turin non seulement donnait toutes garanties à ces nouveaux citoyens suisses, en plaçant leur Église « sous la protection du droit européen », mais il avait confirmé la nomination d’un curé de Genève, imposée par Napoléon après l’introduction du catholicisme et le rattachement de Genève à la France, en 1806.
     
    Le gouvernement de Genève devait donc « maintenir à sa propre charge l’Église catholique existant à Genève », loger le curé et le doter convenablement. Les protestants avaient, un moment, espéré, à l’occasion des bouleversements nés de la chute de l’Empire, se débarrasser du curé de Genève, le Savoyard Jean-François Vuarin, dont la pugnacité les agaçait fort. Ils avaient été frustrés de cette délivrance. Les nouvelles communes catholiques du canton avaient, au contraire, si bien conforté la position de ce prêtre, qu’il venait d’annoncer son intention de se rendre à Rome pour demander à Léon XII le transfert, de Lausanne à Genève, du siège épiscopal. Plein d’allant et d’une redoutable éloquence, l’abbé Vuarin avait installé à Genève la congrégation des Filles de la Charité, que l’on appelait sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, et les

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