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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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jamais, dit le cocher.
     
    – On ne rend pas visite à une dame avec une arme à la ceinture, dit Axel en s’éloignant.
     
    Médusés, Chantenoz et les deux hommes regardèrent Axel Métaz gravir la pente caillouteuse, entre les buissons de genévriers.
     
    – Ou ce garçon est amoureux fou, ou il a un rude compte à régler, commenta le cocher en remontant sur son siège.
     
    – Nous devrions… je veux dire… je devrais peut-être l’attendre, émit Chantenoz, qui ne cachait pas son inquiétude.
     
    – Allons donc, s’il est un parent de la dame que je connais, que voulez-vous qu’il lui arrive de fâcheux, Monsieur le Notaire ?
     
    Résigné, Martin Chantenoz tira la portière avec humeur et la berline se remit en route. Les derniers rayons du soleil éteints, le château fut avalé par la nuit, comme une apparition. Martin se demanda s’il ne rêvait pas.
     

    Le sentier qu’Axel avait emprunté ne constituait pas la voie d’accès principale au château. Il aboutissait à un chemin pavé, qui conduisait en pente douce à une esplanade, au bout de laquelle apparut au visiteur la masse sombre d’une courtine, étirée entre deux tours carrées percées de meurtrières. Son imagination avait préparé le Vaudois à la vue d’un pont-levis ou d’un grand porche, flanqué de barbacanes et surmonté de mâchicoulis. Il fut un peu déçu de se trouver devant un perron de trois marches, grossièrement taillées dans le roc. Bardée de fer et hérissée d’énormes clous à bouton couronné, la porte rustique était cependant d’une forteresse.
     
    Il comprit que son approche avait été signalée quand un guichet s’ouvrit dans le vantail et qu’un homme, dont il ne put deviner le visage, en retrait dans l’ombre, l’interpella en usant d’une langue inconnue. Axel essaya du français, de l’allemand, de l’italien, sans succès. Ayant épuisé ses ressources de polyglotte, il risqua une phrase en latin. Un grognement lui répondit et le panneau fut violemment refermé. Le Vaudois prit cela pour impolitesse et, irrité, se disposait à donner du pied dans la porte quand le guichet se rouvrit. Cette fois, ce fut une voix de femme qui s’adressa au visiteur en français, teintée d’un accent qu’il connaissait bien.
     
    – Que voulez-vous, monsieur ?
     
    – Je désire voir la baronne von Fernberg. Adriana, si vous préférez.
     
    – Patientez un moment, dit la femme.
     
    Une nouvelle fois, le volet du guichet fut clos, mais sans violence. Axel n’attendit pas longtemps et, quand la lourde porte pivota, il découvrit à la lueur des torchères un préau dallé qui conduisait au donjon. Un moine, capuchon rabattu, portant une lanterne, accompagnait une femme vêtue de noir. Il ne fut pas étonné de se trouver face à Zélia, la suivante d’Adrienne. La jeune femme ne manifesta aucun signe de reconnaissance et invita Axel à la suivre. Comme ils traversaient le préau derrière le porteur de lanterne, la Tsigane lui jeta à voix basse, mais avec une sorte de colère contenue :
     
    – Que venez-vous faire ici ? Jamais vous n’auriez dû venir à Koriska. Ce n’est pas un lieu pour vous !
     
    – C’est bien un lieu pour la baronne von Fernberg ! répliqua Axel, sur le même ton.
     
    – Ici, il n’y a pas de baronne ! Seulement Adriana, la fille de Zichy de Tilna, notre Bulebassa. La seule femme élue Bulebassa par les Zigeuner !
     
    Un Bulebassa, Axel l’avait appris depuis peu par Armand le cocher, passait pour chef incontesté d’une communauté. Ainsi, la mère d’Adrienne, l’ancienne comédienne ambulante, passagère amante de Blaise de Fontsalte, détenait en ces lieux un pouvoir absolu et accepté, puisque obtenu par une élection populaire.
     
    Comme ils rejoignaient le moine devant une porte tout aussi rébarbative que celle de l’enceinte, Zélia se tut et, se tournant vers Axel, mit un doigt sur ses lèvres.
     
    Si l’extérieur du château offrait la sévérité des constructions gothiques, l’intérieur révéla un riche décor, d’inspiration médiévale. Le sol de marbre d’une vaste rotonde disparaissait sous d’immenses tapis orientaux. Aux murs d’un large escalier à marches rayonnantes, enroulées autour d’une énorme colonne centrale, de riches tapisseries dissimulaient la pierre taillée. Des torchères, supportées par des griffons de fer forgé, assuraient l’éclairage et tiraient de chauds reflets des coffres

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