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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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pour ceux qui abusent du tabac, commenta-t-elle.
     
    Comme elle se préparait à poursuivre l’évocation de son passé, le moine portier apparut et lui dit une phrase en dialecte.
     
    – Ma fille vous attend. On va vous conduire à elle. Mais nous nous reverrons bientôt, dit-elle à Axel.
     
    Métaz prit congé de Zichy, s’inclina devant le parterre de dames, qui ne lui ménagèrent ni compliments ni sourires enjôleurs, et quitta ce nymphée de Zigeuner sur les pas du moine, dont les mollets puissants émergeaient du froc trop court.
     
    Le parcours dura longtemps, dans un dédale de corridors sonores et sombres. Ce château, de modeste importance vu de l’extérieur, devait être immense. Sa distribution intérieure tenait du labyrinthe et de la caserne. Il y régnait une ambiance mystérieuse et délétère. En cheminant, Axel se mit à penser à des gravures de Blake, à des œuvres du Zurichois Heinrich Füssli. C’est à ce dernier que Shelley avait commandé, en 1811, les illustrations de son fameux poème The Nightmare , se souvenant que l’artiste suisse avait peint, en 1781, une toile nommée Cauchemar . Cet art de l’épouvante eût trouvé aliment au château de Koriska. Marchant derrière son guide muet à la rencontre d’Adrienne, tandis que les voûtes de pierre répercutaient l’écho de ses pas, Axel se remémora le poème de Shelley que récitait souvent Chantenoz :
     
    Enfin la forme ombreuse et mince,
    À pas sans bruit ni trace vint,
    Sa robe légère flottait dans la tourmente,
    Et sa tête était ceinte de flammes chatoyantes.

     
    D’une voix lugubre et glaciale
    Comme le vent dévastant le sol automnal,
    Errant parmi les arbres sans feuillage,
    Ou de la mandragore la plainte flottant dans les parages.

    Tu es à moi, je suis à toi,
    Jusqu’à ce que le monde sombre,
    Je suis à toi, tu es à moi,
    Jusqu’à ce que la mort se rue dans les décombres 1 .
    Avant même que le moine, qui s’était immobilisé devant une porte, ait soulevé le marteau de bronze, le vantail s’ouvrit, Adrienne jaillit et se jeta au cou d’Axel.
     
    – Axou, Axilou, comment m’as-tu trouvée ? Comment es-tu venu jusqu’ici ?
     
    – « Comme un démon chevauchant un nuage », récita Axel en claquant la porte du pied.
     
    Le décor de la chambre d’Adrienne ne rappelait en rien celui de la pièce où Zichy avait reçu le jeune homme. Ici, on avait d’abord pensé au bien-être et peu de temps s’écoula avant que le jeune Vaudois fût à même d’apprécier le confort du lit à baldaquin ! Comme chaque fois qu’il retrouvait Adrienne, Axel savait qu’avant toute conversation sérieuse celle-ci exigeait, impérieuse et avide, l’étreinte amoureuse comme s’il se fût agi d’une salutation charnelle destinée à marquer les retrouvailles. Tandis qu’ils étaient au lit, Miska, la seconde de Zélia, vint à plusieurs reprises nourrir de bûches le feu qui flamboyait dans la cheminée. Lors de sa dernière intervention, Adrienne lui commanda une collation de jambon fumé et de fromage, qu’Axel estima bienvenue. Il trouva au tokay hongrois qui accompagnait le repas une belle robe dorée, mais le jugea trop doux pour un Vaudois habitué aux blancs secs de Lavaux.
     
    – Ton château plairait à Walter Scott et, plus encore, à Matthew Gregory Lewis, car tes moines n’inspirent pas plus de confiance que son horrible capucin de Madrid !
     
    – Eh, eh ! le satanisme n’est peut-être pas absent de Koriska. Mais tu as vu ma mère. Te paraît-elle être une sorcière, comme tu avais l’air de le croire ?
     
    – Je dois reconnaître qu’elle me plaît assez, moins que certaines des dames d’honneur, toutefois. Quant aux serviteurs, genre Nubiens masqués, je ne suis pas encore fixé sur leur sexe, dit Axel en riant.
     
    – Ne plaisante pas avec ces choses ici, Axou. Ces gens peuvent être féroces, dit Adrienne avec un grand sérieux.
     
    – Mais pourquoi ces moines ? Koriska n’est pas un monastère et ces religieux à tunique de danseuse…
     
    – Ne pose pas de questions à tout instant. Tu es venu me voir, c’est bien. On est heureux au lit tous les deux, c’est bien. On a de l’amour l’un pour l’autre, c’est bien.
     
    – Mais les moines ? insista Axel.
     
    – Ils appartiennent au très ancien ordre de saint Pertinent et ma mère les protège, c’est tout. Car ils sont sans ressources. Si tu veux, je te conduirai, demain, à

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