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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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des gens d’affaires et des bourgeois des villes, arbitrairement privés de représentants.
     
    « On ne tolérera pas, à la longue, l’injustice d’une préférence accordée au campagnard ignorant et dépendant, aux dépens du citadin indépendant et instruit 3  », avait-il écrit. Il devait, lors de la prochaine séance du 6 mai, déposer, comme l’année précédente, une nouvelle motion d’ordre « pour provoquer l’examen des lacunes et défauts de la Constitution ». Le texte de cette motion circulait sous le manteau et Chantenoz, grand admirateur de La Harpe, s’en faisait le propagandiste.
     
    – Elle sera repoussée par le Grand Conseil, comme celle de l’an dernier, mais elle confirmera au gouvernement de M. Jules Muret et à la majorité compacte qui le soutient que l’opposition est devenue une force politique, avec laquelle il va falloir compter de gré ou de force, dit Martin un soir de réunion à Beauregard.
     
    – Espérons que la réforme du système électoral sera acceptée de bon gré, sinon…, soupira Charlotte.
     
    – Sinon, ce sera la révolution, ma chère, et on nous pendra aux branches des arbres ! lança Flora d’un ton tragique, ce qui fit rire toute l’assemblée.
     
    – Il est certain que les Vaudois ne se satisferont plus longtemps d’une caricature du suffrage universel, conclut Fontsalte.
     
    Car, pour être électeur en 1826, il fallait être bourgeois, c’est-à-dire né et imposable dans une des communes du canton, résider depuis plus d’un an dans le même cercle 4 , être âgé de vingt-cinq ans et payer l’impôt foncier. La loi électorale n’accordait cependant le droit de vote qu’aux trois quarts des citoyens les plus imposés du cercle dans lequel ils résidaient.
     
    Le territoire cantonal étant divisé en soixante cercles, la règle des trois quarts avantageait les cercles ruraux qui comptaient le plus de propriétaires fonciers. Si l’on ajoutait à cela qu’étaient exclus d’office des consultations les domestiques « aux gages et au pain de leur maître », les assistés – la seule ville de Lausanne en comptait plus de mille pour une population de douze mille habitants –, les faillis et ceux qui avaient été condamnés, le nombre des électeurs se trouvait sensiblement réduit, surtout dans les villes. Les citoyens élisaient directement soixante-trois députés et désignaient deux cent quarante candidats parmi lesquels le Grand Conseil cooptait soixante-trois députés tandis qu’une commission électorale soumise choisissait les cinquante-quatre députés restants. Ainsi, sur cent quatre-vingts députés, une minorité seulement pouvait se dire élue du peuple !
     
    Fin avril, Axel fut bien aise de recevoir des nouvelles de celui qu’il continuait, plus par habitude et par respect du passé que par tendresse filiale, d’appeler père. L’en-tête du papier commercial de Guillaume Métaz prouvait la réussite évidente de l’exilé. Sous un dessin gravé, représentant un grand immeuble flanqué d’entrepôts, on lisait en lettres grasses et ornées :
     
    O’Brien & Métaz General Merchants
     
    217 Fremont Street
     
    Boston (Mass.)
     
    Dry goods, Boots & Shoes, Drugs, Guns, Furnitures,
     
    Traveller’s & Sailor’s Supplies, Books, Maps.
     
    Branches at Pittsburgh, Cincinnati, Des Moines, Denver.
     
    Ce courrier, le premier depuis qu’Axel avait écrit à M. Métaz qu’il renonçait à lui emprunter des fonds qu’il pourrait trouver à moindre intérêt à Genève, était, avant tout, destiné à annoncer les fiançailles de Blandine avec Lewis Calver, le frère d’une amie de collège de la Veveysanne. Le jeune homme, qui sortait de l’Académie navale, venait d’être affecté au Coast Guard de Boston. Guillaume semblait avoir oublié le ton un peu sec dont avait usé Axel dans son dernier envoi. Il accusait réception et donnait quitus des comptes de janvier, mais se dispensait d’évoquer ses affaires vaudoises et ne faisait aucune allusion à son ex-épouse. Pour lui, Charlotte n’existait plus. En revanche, il s’étendait avec complaisance sur sa nouvelle famille, à laquelle Blandine paraissait intégrée comme si elle était venue au monde dans l’Indiana !
     
    « Bien qu’elle s’entende à la perfection avec ma femme Fanny, son aînée de six ans, et qu’elle soit très attachée à ses deux demi-sœurs Johanna Caroline et Lorena Margaret, âgées

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