Rive-Reine
de la place du Marché de Vevey, que le 29 janvier 1798 ! Quant à Guillaume Métaz, Axel était le mieux placé pour connaître les raisons qui l’avaient incité à s’exiler. Le jeune homme, qui savait tout l’intérêt que portait Ribeyre de Béran aux informations politiques, soumit le discours du doyen des colons vaudois de l’Indiana à l’ancien officier du services des Affaires secrètes. Ce dernier n’avait aucune sympathie pour La Fayette, à ses yeux trop soucieux de popularité. Il révéla à Axel la curieuse et récente prétention du marquis.
– La Fayette, qui a toujours refusé d’être considéré comme un émigré bien qu’ayant quitté la France en 1792, après avoir fait l’objet d’un décret d’accusation, par ses amis révolutionnaires, pour s’être opposé à la suspension de Louis XVI, réclame aujourd’hui sa part du milliard des émigrés. Je puis même vous dire qu’il demande la coquette somme de 325 000 francs pour ses seules terres d’Auvergne. Je le sais par le préfet de la Haute-Loire. C’est une façon très aristocratique de faire reconnaître les services rendus par la Révolution à la monarchie ! conclut ironiquement Ribeyre.
À Vevey, qui comptait maintenant près de quatre mille habitants, la municipalité faisait élargir certaines rues et projetait d’abattre les vieux moulins établis sur la Monneresse, déviation de la Veveyse qui coulait à ciel ouvert. Les tanneurs y lavaient les peaux malodorantes et, chaque samedi, le balayeur municipal ouvrait une écluse. L’eau se répandait ainsi dans les rues, entraînant déchets d’ateliers et détritus des marchés. Cet arrosage faisait la joie des enfants, enchantés de patauger dans le flot, souillé mais inoffensif, de ce qu’on nommait localement la bourrée. En revanche, ce nettoyage torrentiel indisposait les riverains et les promeneuses, qui se mouillaient les pieds ! Le plan d’aménagement du quartier, dit du Vieux-Moulin, prévoyait l’aplanissement de la chaussée, le creusement d’un nouveau canal pour la Monneresse et, surtout, la construction d’un nouveau casino, dont le rez-de-chaussée serait réservé à trois salles pour concerts, bals et conférences. Au premier étage, on installerait les classes de l’école primaire, au second, celles de l’école supérieure et une salle, plus grande, pour l’école lancastérienne d’enseignement mutuel.
Dans le même temps, les Veveysans, qui depuis la création de la Caisse des Familles, dite caisse Falconnet, en 1755, et de la première Caisse d’épargne du canton, en 1814, s’étaient toujours distingués par les œuvres de bienfaisance et le souci de parfaire l’instruction de tous, songeaient à doter la cité d’une société de secours pour les ouvriers malades et à développer la bibliothèque. Abritée dans deux salles de l’hôpital, cette bibliothèque avait succédé, en 1805, à la Société de Lecture fondée en 1754. Les lecteurs pouvaient désormais emprunter des livres deux jours par semaine. Le docteur Nicati venait de compléter le catalogue, qui comptait plus de dix mille titres 6 .
Mais l’initiative, sujet de toutes les conversations, était la décision de M. Alexandre Perdonnet de faire opérer, à ses frais, de nouveaux sondages dans le lac, au bas de la place du Marché, « afin d’éclairer M. le Colonel Dufour, de Genève, chargé par lui de faire une étude de port ».
Pour de nombreux Veveysans – dont Axel, en tant que propriétaire de barques et transporteur, faisait partie – il paraissait inconcevable que la deuxième ville et première place commerciale du canton ne disposât pas d’un port, alors que la naviga tion à vapeur se développait. L’ambition n’était pas neuve, puisque le premier projet de création d’un port à Vevey datait de l’an 1701 !
Axel avait consulté aux archives les vieux plans, autrefois soumis à Leurs Excellences de Berne par un certain Berdez, qui s’engageait à creuser un bassin de 215 pieds de long et de 150 pieds de large, au bas de la place du Marché. L’entrepreneur se chargeait du financement et de l’exécution des travaux, à condition de prélever, pendant cinquante ans, « un droit de 1 pour cent sur toutes les marchandises, denrées, meubles et autres semblables choses voiturantes », de détenir un droit exclusif de pêche dans le port, de percevoir un droit de un à trente sols « pour chaque
Weitere Kostenlose Bücher