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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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certaines l’en dissuadait.
     

    Dans ses périodes de mélancolie, Axel trouvait toujours réconfort dans les lettres que lui adressait Juliane Laviron. Les considérations de sa correspondante, sur la vie genevoise, pétillaient d’intelligence et d’humour. Parce que sa tournure d’esprit était parente de celle d’Axel, la jeune fille osait aborder avec lui tous les sujets, futiles ou sérieux. Il en était de même quand ils conversaient. Elle savait écouter, longtemps, sans interrompre, et ses réflexions jaillissaient, toujours claires, nettes, brèves et bien argumentées.
     
    Aussi, quand, à la fin du printemps 1828, Axel Métaz débarqua, une nouvelle fois, à Genève pour visiter la première Exposition de l’Industrie organisée en Suisse, c’est très spontanément que les amis choisirent de s’y rendre ensemble.
     
    Inaugurée le premier lundi de juin, cette exposition nationale, organisée par la Classe d’Industrie et la Société des Arts, était destinée à promouvoir toutes les productions de la Suisse. À l’origine, la manifestation n’avait pas suscité l’engouement des industriels et artisans, mais elle se révéla, bientôt, comme la plus belle vitrine genevoise. Ouverte avec cent trente exposants, elle en compta deux cent soixante-six à la clôture. C’est seulement la veille de celle-ci qu’Axel Métaz s’y rendit, accompagné de Juliane, que ses parents autorisaient maintenant à sortir seule avec lui.
     
    Le visiteur pouvait, certes, y découvrir des instruments aratoires modernes, importants dans un pays où l’agriculture tenait une grande place, mais aussi se faire une idée d’une activité industrielle en pleine expansion. Si les fabriques d’indiennes et de draps, autrefois spécialités de Genève, se raréfiaient, comme les tanneries, le machinisme stimulait une industrie textile en plein essor. Filateurs, tisserands et passementiers défilaient, ébahis, devant les nouveaux métiers. Ces machines semblaient promettre une production accrue dans la bonneterie, les cotonnades et les soieries. Certains subodoraient cependant que la machine, présentée comme amie de l’homme dont elle atténuait l’effort, irait peut-être, un jour, jusqu’à chasser l’ouvrier des ateliers, où il gagnait son pain.
     
    La chapellerie, la maroquinerie, la cordonnerie, la ganterie présentaient leurs dernières créations, mais perruques, peignes, ouvrages de broderie, fleurs artificielles retenaient l’attention des simples curieux. Charpentiers, ébénistes, tapissiers, cordiers, fabricants de cristaux, relieurs, imprimeurs, graveurs, luthiers, facteurs de pianos occupaient des stands où chacun avait à cœur de présenter ses plus belles pièces.
     
    Quand Axel eut démontré la force de son coup de poing, en frappant le disque capitonné d’un dynamomètre, attraction qui impressionna M lle  Laviron, la jeune fille l’entraîna dans la partie de l’exposition réservée à la Fabrique genevoise.
     
    L’horlogerie, fondement de l’industrie locale, avait souffert, depuis 1811, d’une désaffection inexplicable et on murmurait, maintenant, à Saint-Gervais qu’un dixième seulement des ouvriers horlogers avaient du travail. On en comptait cependant plus de deux mille, mais la plupart refusaient de fabriquer des montres ordinaires à bon marché, dont la demande allait croissant. La réputation universelle de la Fabrique de Genève était telle que la situation semblait s’améliorer depuis que la ville s’était dotée, en 1824, d’une École d’horlogerie et que les produits de luxe trouvaient à nouveau acquéreurs. Aussi les horlogers en renom offraient-ils à la convoitise des visiteurs les plus belles montres, assemblées sous les combles du quartier Saint-Gervais par ces cabinotiers à l’esprit aussi délié que les doigts. Aristocrates de l’établi, graduellement initiés, au cours d’un « écolage » de dix années, à une virtuosité manuelle séculaire, capables d’inventer et de fabriquer leurs outils, riches d’un savoir-faire irremplaçable, scrupuleux et sûrs, pointilleux quant à leurs droits, jaloux de leurs privilèges, ces magiciens à visière verte constituaient une caste fermée, puissante, frondeuse, capable de défier le pouvoir et de renverser un gouvernement.
     
    Pièces rares destinées à des princes étrangers, bijoux coûteux dénonçant avec suavité l’écoulement inexorable de la vie, les montres à

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