Rive-Reine
remariage de sa mère. D’après les bonapartistes, toujours bien informés de ce qui se passait à Schönbrunn, le jeune homme avait ressenti une vive déception et souffert, autant dans son honneur que dans ses sentiments. Fontsalte et Ribeyre étaient de ceux qui ne pardonnaient pas à celle qui avait eu l’insigne honneur d’avoir été l’épouse de Napoléon et l’impératrice des Français de s’être conduite, alors que son mari restait captif des Anglais, comme une chambrière luxurieuse. Aussi Blaise avait-il refusé d’accompagner sa femme, quand Charlotte avait été conviée, par une amie, à un thé chez Marie-Louise, en résidence pour quelques jours à Lausanne.
Bien qu’elle eût affirmé disposer de peu de revenus, l’ex-impératrice se déplaçait avec une suite imposante : dames de cour, secrétaire, médecin, officiers d’escorte, coiffeur, cuisiniers, maître confiseur, valets, chasseurs, dame de garde-robe : en tout une trentaine de personnes ! Quand Charlotte revint de la réception, donnée dans un hôtel de la rue de Bourg, elle dit avoir trouvé Marie-Louise vieillie, alourdie, bouffie de visage et un peu trop fardée. Claude Ribeyre de Béran, qui arrivait de Paris, compléta le portrait moral de la duchesse de Parme, deux fois veuve :
– Savez-vous qu’elle a un nouvel amant, le comte Charles de Bombelles, présentement grand maître des cérémonies de la cour d’Autriche 10 ? On dit que, pour éteindre quelques dettes, il a fait vendre le beau nécessaire de toilette que la Ville de Paris avait offert à Marie-Louise impératrice, à l’occasion de son mariage !
L’anecdote avait beaucoup amusé Fontsalte et, plus encore, Flora, qui avait toujours tenu l’archiduchesse d’Autriche pour une femme légère et une mère dénaturée.
À Vevey, Axel Métaz, traité comme notable fortuné, était souvent sollicité pour apporter son soutien aux institutions sociales ou charitables. C’est ainsi qu’il avait accepté, à la demande du docteur Louis Vuippens, de figurer dans le comité de la Société de secours pour les ouvriers malades, fondée en décembre 1827. Cette association, « considérée comme une assurance mutuelle, et non point comme établissement de charité », avait pour but « de pourvoir à la subsistance et aux moyens curatifs des ouvriers malades, et momentanément dans l’impuissance d’y subvenir par leur travail », au moyen d’une contribution que les ouvriers en activité versaient chaque mois. Les « maîtres de profession et chefs d’établissements industriels et de commerce » – c’était le cas de M. Métaz – devaient verser « une fois pour toutes la finance de six francs », afin que leurs ouvriers et apprentis qui payaient contribution fussent assurés.
Un dispensaire, composé de deux chambres et de dépendances, permettait d’accueillir les ouvriers malades ou mutilés, les autres étant visités et soignés par les médecins et surveillants de la Société à leur domicile. Les fonds provenant des cotisations devaient être placés, prévoyait le règlement, « de la manière la plus solide ». Toutes les fonctions, de président, de secrétaire, ainsi que celles de surveillants, étaient bénévoles.
Axel apportait aussi son soutien financier à une œuvre plus récente, créée par quelques dames de Vevey et animée par M me Cuenod de Charrière. Il s’agissait d’un « Asile pour jeunes filles pauvres et abandonnées », qui recevait les enfants âgées de six à onze ans. Logées, nourries, vêtues, ces fillettes recevaient une éducation fondée « sur les principes d’une véritable piété, qui, seuls, peuvent conduire à un heureux avenir ». Des gouvernantes les formaient, « principalement aux ouvrages du sexe, aux soins domestiques et à la culture du jardin », afin que ces déshéritées fussent « à même de gagner plus tard leur vie, en devenant soit des domestiques honnêtes et intelligentes, soit de bonnes ouvrières ». Les parents, ou protecteurs, s’engageaient à laisser les fillettes qu’ils confiaient à l’Asile jusqu’à l’âge de dix-huit ans révolus. En cette année 1829, l’Asile n’abritait que cinq pensionnaires car, faute de moyens, le comité, auquel appartenait Élise Ruty, ne pouvait en accueillir plus.
Quêteuses persévérantes, l’épouse du notaire Charles Ruty et ses filles ne manquèrent pas de tirer les
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