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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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C’est ainsi que les Valaisans nomment les chamois adultes.
     
    12 Sentiers naturels situés entre les parois rocheuses et qui permettent de contourner gorges, arêtes et éboulis.
     

2.
     
    Le nez collé à la vitre ruisselante de pluie, Alexandra fixait désespérément le lac. Au-delà de la terrasse-jardin de Rive-Reine, le Léman, fouetté par la vaudaire, exhalait sa fureur en grosses vagues obliques. L’eau et le ciel semblaient se confondre à quelques mètres du rivage, dans une noirceur malsaine qui anticipait la nuit. Le cartel du salon sonnait le dernier coup de midi quand Pernette entra. La servante se planta derrière la filleule d’Axel et, une main sur l’épaule de l’enfant, observa un instant le lac en branlant la tête.
     
    – Dieu Bon ! tu vois comme le lac brasse 1  ! On est mieux à chotte que sous la roille 2 . Viens-t’en manger, je t’ai fait un papet 3 et des croûtes au fromage 4 . C’est pas la peine d’attendre ton parrain avec un temps pareil : y mangera, sûr, un morceau avec Samuel, au caveau.
     
    Comme Alexandra ne semblait pas décidée à obéir et s’obstinait à scruter le lac, Pernette Métayer se fit plus pressante :
     
    » Pas la peine non plus d’attendre ta maman et toute la famille. Tu vois bien qu’y a pas une barque de pêcheur dehors. Tu penses bien qu’ils viendront pas maintenant. Un temps pareil, on peut pas aller contre. Et puis, s’ils ont dansé toute la nuit, comme c’est probable, ils en profiteront pour se reposer et s’en reviendront qu’au soir, quand la vaudaire sera tombée, ou même que demain, si elle tombe pas avant la nuit. Allez ! Viens manger, je te dis, sinon le fricot sera froid !
     
    Pensive, Alexandra devint joyeuse et gambada, précédant Pernette, jusqu’à la cuisine pleine d’odeurs appétissantes. Les Ruty, leurs filles et leurs gendres étaient partis, la veille, au petit matin et par beau temps, pour fêter la Sainte-Catherine à Saint-Gingolph, en Savoie, de l’autre côté du lac. Nadine avait confié, comme souvent quand elle s’absentait, Alexandra à son parrain, ou, plutôt, à Pernette Métayer, entichée de l’enfant.
     
    Avec une bonne brise, le trajet de Vevey à Saint-Gingolph ne prenait pas trois heures, mais, par mauvais temps, la traversée pouvait être longue et hasardeuse, car les barques recevaient alors le vent par le travers. Or la violence de la vaudaire, en ce 26 novembre 1829, interdisait toute navigation sur le Léman. Les vapeurs, les barques des Métaz, les cochères caboteuses et les bateaux des pêcheurs étaient restés à l’abri.
     
    Quand, à la fin de l’après-midi, Axel, sous la même pluie battante, qui tombait depuis la nuit précédente, et dans le vent tourbillonnant, regagna Rive-Reine, trempé, il ne fut pas étonné d’apprendre que les Ruty n’étaient pas rentrés de leur expédition savoyarde.
     
    Le 27 au matin, ne restaient au flanc des montagnes de Savoie que des effilochures de brume, pareilles à ces touffes de laine que les buissons arrachent aux moutons errants. Dans son sillage, la tempête n’avait abandonné que des nuées gracieuses, pour inviter les bacounis à reprendre leurs périples lacustres. C’est le patron d’une barque de La Tour-de-Peilz qui, le premier, révéla que, la veille, le lac, dans sa colère, s’en était pris aux humains. Il repêcha, à la fin de la matinée, une femme, agrippée à l’antenne brisée d’une grande barque. Alentour ne flottait aucune autre épave. L’inconnue à demi nue, glacée, presque inconsciente, murmurait des mots sans suite et, quand les bacounis la hissèrent à bord, elle poussa, avant de défaillir, un cri déchirant :
     
    – Non ! non ! laissez-moi, j’attends ma sœur ! Elle doit venir avec moi !
     
    Les bateliers, qui se rendaient au Bouveret, au fond du lac, firent demi-tour et forcèrent l’allure pour regagner La Tour-de-Peilz avec l’intention de livrer la naufragée au docteur Vuippens, le seul qui pût être de quelque secours en pareille circonstance. Tandis qu’un batelier veillait la rescapée, l’autre courut chez lui, dépêcha son épouse au chevet de la naufragée, puis au pas de course s’en fut quérir le médecin en priant Dieu que le praticien ne fût pas en tournée de visites, à la chasse ou à courir la prétentaine. Par chance, Louis Vuippens consultait. Il abandonna un catarrheux et une fille, qui craignait d’être enceinte, pour suivre le

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