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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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bacouni.
     
    Tout en courant vers le petit port, il s’informa, mû par un étrange pressentiment :
     
    – Une femme, dis-tu… Jeune ? Vieille ? De chez nous ? Pas de chez nous ? Tu la connais ? Tu la connais pas ?
     
    – Connais pas ! Mais une belle femme, et jeune, je vous le dis. Elle avait rien sur elle, tout comme nue. Mais à moitié noyée, blanche comme linge, les lèvres bleues, pourvu qu’elle soit pas morte, docteur !
     
    Louis Vuippens reconnut tout de suite, et presque sans surprise, une des jumelles Ruty. Il savait, pour avoir dîné la veille à Rive-Reine avec Axel et fait une partie de puce avec Alexandra, que les Ruty n’étaient pas rentrés de Savoie. Il se pencha sur la blessée qui grelottait, constata que son cœur battait au ralenti, réclama la bouteille de marc, arracha les derniers lambeaux de vêtements collés au corps de la fille du notaire et, avec l’aide de la femme du batelier, la frictionna.
     
    – C’est une des filles de Charles Ruty, le notaire de Vevey, vous le connaissez. C’est une des jumelles, mais laquelle ? dit le médecin.
     
    Le visage boursouflé de la jeune femme et les ecchymoses qu’elle portait ne facilitaient pas l’identification.
     
    » Je les différencie très bien quand elles sont ensemble, mais quand je n’en vois qu’une, il me faut réfléchir avant de savoir s’il s’agit d’Amandine ou de Bernadette… Mais, dit-il brutalement, où est sa sœur ? Et leurs maris ? Et les parents Ruty ? Ils étaient en famille ! C’est pas possible ! Où sont les autres ?
     
    – On n’a rien vu sur le lac, personne, pas de barque désemparée, rien d’autre que le morceau d’antenne qu’elle cramponnait, cette pauvre fille, dit le patron.
     
    – Il faut faire sortir tous les bateaux ! Fouiller le lac d’ici à Saint-Gingolph. Si elle a trouvé de quoi surnager, les autres ont pu en faire autant ! Allez, ordonna Vuippens.
     
    – En attendant, on peut la porter jusque chez nous, je m’en occuperai bien, dit la femme du bacouni.
     
    La naufragée ouvrit les yeux et aussitôt se mit à hurler :
     
    – Ma sœur, j’attends ma sœur, elle est au bal ! Je vous dis qu’on veut l’échanger contre moi. Il faut qu’elle vienne, vite, acheva-t-elle dans un souffle, avant de retomber en léthargie.
     
    – Elle délire. Emmenez-la chez vous, ne la contrariez pas et veillez à ce qu’elle ait chaud. Je vais prévenir M. Métaz, à Vevey, qu’il envoie toutes ses barques sur le lac, dit Vuippens.
     
    Les deux amis passèrent la journée à croiser entre Saint-Gingolph et Vevey, au milieu d’une flottille, car tous les bateliers connaissaient les Ruty et auraient donné gros pour les retrouver vivants. Plusieurs bateaux longèrent les côtes de Savoie, d’autres, prenant la diagonale, allèrent jusqu’à Morges, car la vaudaire ne poussait jamais beaucoup plus loin les bois que le Rhône jetait au lac à Villeneuve.
     
    Le vieux Valeyres, à qui Axel avait confié la direction des recherches, répétait qu’on ne peut se fier à la route des vents pour retrouver une épave ou des corps flottants.
     
    – Certes, la vaudaire vient du sud-est, mais le lac est parcouru, suivant les saisons, la température de l’eau et les vents, par des courants et des contre-courants dont même les vieux bacounis, comme moi, ignorent les caprices. C’est par observation, instinct et souvent par aubaine, plus que par science, que nous en usons pour louvoyer. Ainsi, le Rhône, en se glissant vers Genève, dans le gros du lac, prend de la vitesse et dérange les eaux qui se rebellent. Ces contre-courants remontent tantôt le long du rivage savoyard, tantôt le long de chez nous. Alors, Dieu sait où ils sont, à cette heure, les Ruty !
     
    – Ils n’ont pu que dériver vers le Petit-Lac, non ? risqua Axel, désemparé.
     
    – Les gars de La Tour ont bien trouvé la fille qui allait vers le fond du lac, hein ! Alors que le courant aurait dû la pousser vers Yvoire ou vers Rolle. Non, mon pauvre Axel, on ne peut que se fier au bon Dieu et au hasard pour les retrouver, conclut Pierre Valeyres.
     
    À la tombée de la nuit, les recherches furent abandonnées, le seul indice du naufrage étant un panneau d’écoutille qu’Axel identifia aussitôt comme appartenant à l’ Héloïse , la grosse barque familiale des Ruty sur laquelle, adolescent, il avait souvent navigué. Un pêcheur savoyard, ayant appris l’objet

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