Rive-Reine
de Wellington, Premier ministre, avait dû démissionner deux mois après avoir inauguré la première ligne régulière de chemin de fer Manchester-Liverpool.
D’autres pays connaissaient, aussi, les contrecoups du mouvement libéral, qui tentait de se développer à travers l’Europe avec des fortunes diverses. En Serbie, le sultan de Turquie venait de reconnaître le chef du nouvel État indépendant, Miloš ObrenoviC 10 . À Bruxelles, les émeutes, qui avaient éclaté le 25 août, avaient justifié une intervention hollandaise. Dans le pays de Bade, les agitateurs étudiants, ailleurs les libéraux du Tugendbund, cette ligue de la Vertu, fondée à Königsberg en 1808 pour libérer la Prusse et supprimée à la demande de Metternich, devaient quitter leurs pays. À Naples, Ferdinand II venait de succéder à son père, François-Xavier I er . Le défunt léguait à son fils la révolte latente suscitée par les carbonari. Il en était ainsi depuis le départ des troupes autrichiennes, en 1827. Le chef carbonaro, Guglielmo Pepe, avait bien été condamné à mort, mais il s’était évadé et continuait sans doute à diriger ses troupes de l’étranger.
Au commencement du mois de décembre, on apprit qu’une insurrection plus meurtrière avait éclaté en Pologne. Une société secrète très active, fondée par le lieutenant Wysocki, avait décidé de débarrasser la Pologne du joug russe en soulevant les régiments polonais et la population. Une tentative d’assassinat du grand-duc Constantin, frère et héritier présomptif du tsar, qui administrait la Pologne, devenue, par la volonté des monarques de la Sainte-Alliance, le royaume du Congrès, avait échoué, mais le soulèvement avait, lui, réussi. Les Polonais étaient, disait-on, en train de chasser les Russes de leur territoire. Les patriotes venaient de constituer une Diète, un gouvernement national, et s’étaient donné un dictateur, le général Chlopicki, dont l’armée se renforçait, chaque jour, de volontaires enthousiastes.
Toute l’Helvétie, attentive à l’engagement de certains cantons dans la voie libérale ouverte par la Thurgovie et l’Argovie, regardait du côté de la Suisse romande, traditionnellement plus influencée par l’évolution politique française que la Suisse alémanique. Les observateurs s’attendaient à voir à Genève et dans le pays de Vaud se développer des mouvements, sinon révolutionnaires, du moins réformateurs.
À Genève, Jean-Jacques Rigaud, premier syndic en 1827 et 1829, siégeait maintenant au Conseil d’État et représentait la cité de Calvin à la Diète fédérale. Homme d’État sensible aux impulsions et attentif aux turbulences de l’opinion publique, il comprit, et fit admettre au gouvernement, la nécessité d’harmoniser les institutions genevoises avec celles des cantons dits régénérés. Un grand appétit de démocratie représentative était dans l’air : il fallait y souscrire avant que le peuple, entraîné par l’élite libérale, ne vînt à l’exiger avec violence. C’est ainsi que, le 8 décembre, Rigaud soumit au Conseil représentatif, au nom du Conseil d’État, une importante modification à la loi électorale. Le texte prévoyait la suppression de la Section électorale, organisme consultatif qui, depuis 1819, décidait en dernier ressort qui était élu ou ne l’était pas, et ôtait aux électeurs exemptés du cens leur privilège. Désormais, les Genevois ayant droit de vote – ils étaient alors moins de trois mille pour près de quarante mille habitants – éliraient leurs députés au suffrage direct. Tout aussi libérale fut la proposition de supprimer l’inamovibilité des conseillers d’État, en les soumettant à réélection tous les huit ans. Enfin, on annonça la mise à l’étude de l’abaissement du cens électoral. Avec les progrès de l’instruction et la grande diffusion des journaux, l’augmentation du nombre des électeurs devenait nécessaire. Ainsi, sans manifestation de mauvaise humeur et sans heurts entre factions, Genève amorça, à sa manière réfléchie, une évolution démocratique exemplaire.
M. Laviron, qui ne cachait pas son penchant pour les thèses libérales et vouait respect et admiration à Jean-Jacques Rigaud, se félicita de voir Genève préférer évolution à révolution. Aucune des réformes admises ou envisagées qui donnaient satisfaction au peuple ne pouvait causer de
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