Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
en anglais, les traductions de M me  de Montolieu étant, d’après lui, approximatives et mises au goût vaudois 11 .
     
    On devait évoquer à nouveau la romancière traductrice lors du repas du premier de l’an 1831, qu’une tradition maintenant bien établie voulait que l’on prît, famille et amis intimes, sous le toit des Fontsalte, à Beauregard.
     
    Pour Charlotte, M me  de Montolieu, amie de sa défunte tante Mathilde Rudmeyer, restait une femme admirable et un auteur dont les hommes, par misogynie littéraire, refusaient de reconnaître pleinement le talent et les mérites. Âgée de près de soixante-dix ans, très affaiblie par la maladie, à demi paralysée, M me  de Montolieu ne quittait plus sa propriété de Vennes, près de Lausanne, où, d’après Charlotte qui lui rendait visite, elle achevait la rédaction de ses Mémoires.
     
    – Encore un livre ! Savez-vous qu’on lui attribue plus de cinq cents volumes ! dit Chantenoz.
     
    Cette réflexion rappela à Blaise un souvenir personnel, vieux de trente ans.
     
    – Bonaparte, lors de son passage en 1800, apprenant que plusieurs femmes écrivains sévissaient ici, dont M mes  de Charrière et Montolieu, déclara publiquement Lausanne « ville des romans ». Ceux qui l’entendirent lancer ces mots en riant crurent qu’il faisait allusion à l’abondante production littéraire locale. Pas du tout, il s’agissait d’un mot, assez plat d’ailleurs, Lausanne étant bien la ville des Romands.
     
    Ribeyre reconnut avec Blaise que le Premier consul, comme plus tard l’empereur, avait toujours été plus à l’aise dans le manifeste patriotique que dans le mot d’esprit !
     
    À l’issue de ce long repas, alors que chacun portait un toast à l’année nouvelle, le général Ribeyre réclama le silence et annonça une communication de la plus haute importance.
     
    – Moi, je sais ce dont il s’agit ! s’écria Charlotte, excitée.
     
    – Si vous savez, chère amie, soyez assez aimable de faire cette annonce à ma place. Je crains de ne pas savoir présenter l’événement autrement qu’un ordre du jour aux troupes ! Rendez-moi donc ce service, insista Ribeyre.
     
    – Vraiment, dit Charlotte… Et si je me trompe de thème ?
     
    – Alors, je vous demanderai la permission de rectifier, dit le général, aimable et inexplicablement ému.
     
    – Eh bien ! dit Charlotte, c’est tout simple : Claude Ribeyre de Béran et mon amie Flora ont décidé de se marier ! Voilà !
     
    Dans le brouhaha qui suivit cette déclaration, tandis que Flora écrasait une larme, que Charlotte embrassait Ribeyre, Blaise, avant de donner à son ami une fraternelle accolade, lui glissa quelques mots à l’oreille :
     
    – Quand je pense que tu as apprivoisé cette furie, que je fus à deux doigts de faire fusiller, il y a trente ans !
     
    Les bravos, les hourras, les joyeuses congratulations, les embrassades, le tintement des verres firent accourir les domestiques, que Charlotte invita à partager la joie générale. Seul Jean Trévotte, dit Titus, s’abstint de paraître.
     

    L’année 1831 commença dans une ambiance électorale fort civique et, le 7 février, les cent soixante-dix-huit députés à l’Assemblée constituante vaudoise, élus pour la première fois au suffrage universel direct, se réunirent dans la salle du Grand Conseil, afin de donner au canton une nouvelle Constitution, la quatrième depuis 1798. Le texte, finalement approuvé, traduisait dans la loi les aspirations libérales depuis longtemps manifestées. Désormais, tous les Vaudois âgés de vingt-trois ans, à l’exception des assistés, des faillis et des condamnés, auraient le droit de vote. Ils éliraient, au suffrage direct et majoritaire, les Conseils communaux, le Grand Conseil à raison d’un député pour mille habitants. Les responsables municipaux, dirigés par un syndic, seraient choisis par les Conseils communaux, les membres du Conseil d’État par les députés du Grand Conseil, eux-mêmes élus pour cinq ans. Le Grand Conseil désignerait aussi deux délégués du canton à la Diète fédérale. Le droit de pétition, c’est-à-dire la possibilité pour tout citoyen d’adresser une demande écrite au gouvernement, était reconnu par la Constitution, qui garantissait l’égalité de tous les citoyens devant la loi, la liberté individuelle, l’inviolabilité du domicile et de la propriété, la liberté de la presse.

Weitere Kostenlose Bücher