Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
C’était la première fois que les Vaudois se donnaient une Constitution élaborée hors de toute influence étrangère et sans pression fédérale.
     
    Le 25 mai, la Constitution fut soumise à l’appréciation populaire. Après avoir étudié le texte en famille, en comité ou dans les cercles, les citoyens acceptèrent la nouvelle loi fondamentale de l’État. 13 170 électeurs, sur 16 000, approuvèrent la Constitution ; 2 673 la rejetèrent. Tous les cercles du canton l’adoptèrent, sauf Lutry et Bex, sans que l’on sût exactement ce qui déplaisait aux électeurs de ces deux communes, cependant fort éloignées l’une de l’autre.
     
    Axel Métaz attendit que le canton émergeât de l’effervescence politique qui, pendant des mois, avait mobilisé les esprits et les langues pour se rendre à Genève avec l’intention d’obtenir de son banquier, Pierre-Antoine Laviron, un prêt à un taux raisonnable afin de racheter les parts que détenaient Guillaume Métaz et Blandine dans ce qu’il considérait, après dix années d’exploitation, comme ses propres affaires. Guillaume, lui-même, avait proposé cet arrangement. Notable bostonien, riche négociant et, depuis peu, élu de l’État du Massachusetts, n’ayant nul désir de revenir un jour en Europe, l’Américain avait écrit à Axel : « Inutile d’attendre que je sois mort pour t’accorder le plein héritage qui t’est destiné depuis ta naissance. Mais, puisque je suis encore en vie, il ne faut pas que ce soit comme une caille qui tomberait toute rôtie dans ton assiette. Je renoncerais volontiers, Blandine aussi, aux royalties annuelles que tu nous verses, tant sur la vigne que les carrières de Meillerie, la société des barques et les autres affaires, si tu m’envoyais une somme pour solde de tous comptes. Je placerais cet argent, dont je n’ai nul besoin, sur la tête de ta sœur car on ne fait pas fortune dans le Coast Guard et, Lewis ayant trois frères et deux sœurs, son héritage sera maigre, d’autant plus maigre que les planteurs sudistes maintiennent encore, contre tout bon sens, le droit d’aînesse. Je crois être honnête en fixant à septante-cinq mille francs de Suisse ce que tu devrais débourser pour être seul à jouir de nos biens veveysans. J’ai bien compris, au fil des années, que tu ne viendras jamais ici où, cependant, tu aurais eu une belle place dans mes affaires et où tu aurais trouvé une épouse bien dotée, car il y a parmi les anciennes amies de pension de Blandine quelques héritières dont je connais les richissimes pères. Enfin, tu as trente ans et ton choix semble fait, puisque tu fréquentes le nouveau foyer de ta mère. Je me demande même si, jamais, je te reverrai en ce monde. »
     
    Cette lettre avait causé à Axel un peu d’irritation et beaucoup de mélancolie. Guillaume, qu’il nommait encore son père, par habitude, allait avoir soixante ans. Axel se dit qu’il devrait traverser l’Atlantique pour rendre à cet homme qui l’avait élevé la visite qu’il semblait ne plus attendre. Pratique, il se dit aussi qu’en évaluant à soixante-quinze mille francs la valeur de sa part et celle de Blandine dans leurs affaires, Guillaume avançait un prix honnête. Au cours des dix années écoulées, le gestionnaire avait envoyé aux États-Unis, à titre de royalties , comme l’écrivait l’américanisé, une somme supérieure à celle-ci. Encore fallait-il trouver soixante-quinze mille francs !
     
    M. Laviron, qui connaissait depuis longtemps la valeur des biens Métaz et ce que rapportaient leurs affaires, ne s’engagea pas spontanément, comme l’espérait Axel, à ouvrir le crédit sollicité. Il convia le Vaudois à prendre, comme souvent, le repas de midi à son cercle et, à l’heure du cigare, ne dissimula pas sa réticence.
     
    – Voyez-vous, Axel, bien que M. Métaz n’ait pas de prétentions exagérées en demandant cette somme pour faire de vous le seul propriétaire d’affaires jusque-là communes, il faut admettre que, par les temps qui courent, c’est tout de même une belle somme. J’ai déjà beaucoup de capitaux engagés dans l’opération des Bergues et les bateaux à vapeur me causent actuellement du souci. D’abord, le Winkelried va avoir besoin d’une nouvelle coque, ce qui va coûter aux actionnaires, dont je suis. Ensuite, depuis que le Guillaume-Tell fatigué a abandonné le service régulier, les sociétés du Winkelried et du

Weitere Kostenlose Bücher