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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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la pauvreté, de l’égoïsme, des oppressions politiques ou religieuses et, surtout, des conflits non désirés des petites gens, pour demeurer indifférent à la misère, suivante fidèle des guerres. Il s’était donc fait apôtre de la Paix, mot qu’il écrivait toujours avec une majuscule. Sa grande fortune, augmentée de celle de son épouse, Cécile Budé de Boisy, lui permettait de faire lui-même la propagande de ses idées, par ses écrits et surtout ses hautes relations. Les Sellon recevaient somptueusement, l’été, dans leur propriété de La Fenêtre, à Pregny, l’hiver, dans leur hôtel de la rue des Granges.
     
    Pour mieux répandre les thèses pacifistes, Sellon publiait des brochures, lettres, articles et répétait dans tous ses discours : « Toute violence doit être bannie des rapports humains. Le désarmement général tient à la confiance que pourra inspirer le maintien de l’ordre dans toutes les contrées d’Europe. » S’il approuvait cette prise de position, humaniste et pacifiste, Axel, comme beaucoup de Genevois, reprochait à Jean-Jacques de Sellon de manifester, parfois, une vanité niaise, comme le jour où il avait fait distribuer son portrait aux enfants des écoles avec la suscription : « Voici le portrait d’un honnête homme. »
     
    Devenu membre du Conseil représentatif, le comte avait, en 1826, ouvert un concours et recruté un jury qui désignerait le meilleur mémoire en faveur de l’abolition de la peine de mort. Trente-trois ouvrages avaient été adressés aux jurés, dont celui envoyé par Martin Chantenoz. Un certain Charles Lucas avait remporté le prix et M. de Sellon avait fait imprimer son livre en promettant une distribution internationale !
     
    En 1830, il avait fondé la Société de la Paix, à laquelle Juliane Laviron avait aussitôt adhéré, étant convaincue, depuis qu’elle avait secouru les Grecs et participé activement à l’aide aux réfugiés et proscrits, que la paix est le plus grand bien des peuples. M lle  Laviron avait raconté à Axel la première réunion de la Société de la Paix, qui s’était tenue rue des Granges, au domicile de Sellon. La Société comptait maintenant une trentaine de membres, dont dix-sept ministres du Saint-Évangile, ce qui lui conférait une tonalité religieuse. Elle avait rebuté Martin Chantenoz, cependant pacifiste déclaré.
     
    – Il y a là-dedans trop de pasteurs. En groupe, ces gens vêtus de noir me rendent gringe 12 , avait-il dit à son ancien élève.
     
    En réfléchissant à l’attitude de celle qu’il attendait par rapport à des sujets comme la paix universelle ou le combat des opprimés pour la liberté, questions qui ne devaient pas intéresser beaucoup les demoiselles de la haute ville, Axel trouva une similitude insolite entre l’engagement de Juliane et celui d’Adrienne. Un monde séparait la Tsigane perverse et débauchée de la vertueuse fille du banquier, mais toutes deux avaient un sens profond de l’injustice, un amour de l’humanité souffrante, et le désir, par des méthodes incomparables, d’aider les autres à mieux vivre.
     
    Quand Juliane se présenta, peut-être la trouva-t-il plus séduisante que d’habitude, parce qu’il venait, pour la première fois, de prendre le temps de définir la personnalité de cette femme. Juliane Laviron n’était pas qu’une fille de banquier.
     
    – Nous allons inaugurer le temple de la Paix chez le comte de Sellon. La paix, n’est-ce pas l’amour du prochain ? dit-elle en arrivant.
     
    Ils montèrent dans le cabriolet et la jeune fille lui confia les rênes.
     
    – Maman m’a laissée venir seule jusque-là, mais je lui ai promis que vous conduiriez jusqu’à Pregny et que vous me ramèneriez rue des Granges.
     
    – Je ne sais rien refuser à Madame votre Mère, dit Axel, en faisant claquer les guides vernissées sur la croupe de l’anglo-arabe noir.
     
    Chemin faisant, M lle  Laviron expliqua que le comte de Sellon n’était pas très content parce que le concours lancé en décembre sur le thème : « quels sont les meilleurs moyens pour assurer au monde une paix générale et permanente ? » n’avait inspiré que sept mémoires, dont aucun n’avait été jugé digne par le jury de valoir à son auteur la médaille d’or et les quatre cents francs de Suisse, récompenses offertes par l’apôtre de la Paix.
     
    – Mais M. de Sellon ne se décourage pas. Il va relancer le

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