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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d’une phrase de Druey, adressée au pasteur Piguet. Très fier de la réussite de son protégé, le pasteur avait dû montrer ou citer les mots de Druey qu’on avait répétés au fils du boulanger : « Quand on fait des élections, le parti dominant serait un sot, s’il ne nommait pas des siens en aussi grande abondance que possible sans faire trop crier, parce que toute la question se réduit à “être ou ne pas être” 4 . » Cela dénotait, d’après Louis Vuippens, une inquiétante volonté de puissance.
     
    En attendant, les projets du nouveau gouvernement semblaient être de développer et d’améliorer l’instruction publique, désormais confiée à des Conseils de l’éducation publique 5 chargés de désigner, dans chaque district, un inspecteur d’instruction publique. Une école normale d’instituteurs assumerait la formation des régents, les collèges seraient agrandis pour recevoir plus d’élèves et l’Académie se verrait dotée de nouvelles chaires.
     
    Le rapport d’une commission, chargée d’établir l’état de l’instruction primaire sous le précédent gouvernement, révélait cependant un bilan honorable. Pour une population évaluée à plus de 175 000 habitants, le canton de Vaud comptait 502 écoles, fréquentées par 29 980 élèves de sept à seize ans, dont 11 627 avaient plus de douze ans. Le rapport précisait : « 11 960 lisent bien, 12 913 écrivent bien, 6 643 connaissent les quatre opérations, 7 703 sont en avance en orthographe, 10 995 savent le catéchisme 6 . »
     
    Martin Chantenoz souhaitait avant tout, comme ses collègues professeurs à l’Académie, la sécularisation de celle-ci et sa transformation en université, où les anciens auditoires deviendraient facultés autonomes. Un professeur de philosophie, André Gindroz, avait exprimé ainsi les aspirations du corps professoral : « L’Académie a cessé d’être un séminaire théologique pour devenir l’école supérieure de toutes les professions libérales. Pourquoi conserverait-elle une administration ecclésiastique, tandis qu’elle est avec raison étrangère à l’administration du barreau, ainsi qu’à celle de la santé publique ? » Et Chantenoz se plaisait à rappeler que M. Gindroz était théologien et pasteur !
     
    Quant à l’instruction primaire, il considérait que la méthode d’Henri Pestalozzi 7 restait la meilleure dont tous les régents devaient continuer à s’inspirer.
     
    – Quand on a compris et admis cela et qu’on a lu Comment Gertrude élève ses enfants 8 , qui contient toute la méthode et la philosophie du maître d’Yverdon, on sait enseigner, affirmait Martin.
     
    Toutes ces questions d’actualité, auxquelles se mêlaient des nouvelles de France – Casimir Perier venait d’y être nommé président du Conseil – faisaient souvent l’objet des conversations d’après souper, quand Axel Métaz accueillait ses amis fumeurs de pipe sur la terrasse-jardin de Rive-Reine. Quand tous avaient le courage de monter à travers les vignes, pour mieux goûter la fraîcheur du soir, jusqu’à la charmille perchée de Belle-Ombre, les discussions se prolongeaient tard dans la nuit. À l’heure où les montagnes de Savoie se voilaient de mousseline mauve, alors que les chauves-souris frôleuses chassaient les moustiques, on vidait quelques bouteilles de vin blanc en croquant des croûtes au fromage.
     

    C’est en regagnant Rive-Reine au clair de lune, une nuit de septembre, qu’Axel eut la surprise de voir un cheval attaché à la grille de sa demeure puis de reconnaître, accroupi dans l’ombre, Lazlo, le Tsigane fidèle d’Adrienne.
     
    – Tu apportes un message de la baronne ? Entre ! ordonna Métaz en poussant la grille.
     
    Pernette, qui veillait, apparut et, péremptoire, ouvrit la porte de la cuisine, estimant qu’un tel visiteur n’avait pas droit au salon.
     
    – C’est le grand vilain qui est déjà venu une fois. Vous pensez si je l’ai reconnu, quand il a sonné ! Mais je l’ai envoyé vous attendre dehors. J’allais pas rester seule avec cet ogre dans la maison, non !
     
    – Apporte-nous une bouteille et va te coucher ! dit Axel.
     
    Pour la première fois, il voyait Lazlo lourd de fatigue, presque accablé, ce qui n’était pas dans la nature de ce géant familier. Sa houppelande, superflue dans la moiteur de cette fin d’été, était grise de poussière. Une barbe de huit jours, ses cheveux

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