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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Ténèbre. La seule personne qui pût partager son désarroi et sa peine était Martin Chantenoz, son mentor. Il devrait, plus tard, quand Blaise et Charlotte seraient rentrés de leur séjour à Fontsalte, annoncer au général la fin tragique de sa fille.
     
    Trotter, avec des temps de galop quand la route le permettait, jusqu’à Lausanne rendit Axel aux réalités quotidiennes. Quand il n’avait pas de cours à l’Académie, le professeur Chantenoz passait une partie de la matinée à lire ou à écrire dans son lit. Axel l’en tira sans ménagement en ouvrant la porte du petit logement du quartier Saint-François qu’occupait, pendant la semaine, cet homme peu exigeant en matière de confort. Il passait en général ses dimanches à Rive-Reine, d’où il rapportait des provisions préparées par Pernette, qui avait pour le savant professeur une admiration sans bornes.
     
    – C’est donc bien tard ? dit Martin en voyant entrer Axel.
     
    Puis, après un regard à sa montre suspendue à un clou, au mur, près de son lit, il rectifia :
     
    » C’est bien tôt, au contraire, pour déranger les honnêtes gens. Quel vent t’amène ? Je vois à ta mine qu’il n’est pas bon.
     
    – C’est exact. Un triste vent, Martin, qui m’est venu d’Angleterre…
     
    – Ciel, ne me dis pas que les Moore débarquent en famille !
     
    – J’aurais mieux aimé ça. Non, Martin. Adrienne, condamnée pour espionnage, a été pendue la semaine dernière à Londres. Voilà la nouvelle. J’avais besoin de me confier à vous. Je suis malheureux et je vous préviens, toutes les philosophies du monde n’atténueront pas mon chagrin. Mais je voulais parler, dire ma peine, savoir comment vous la jugez. C’est tout. Pardonnez-moi cette intrusion matinale.
     
    – Bon sang ! Raconte ! ordonna Chantenoz, stupéfait, en retombant sur ses oreillers.
     
    Quand Axel eut rapporté, sans rien omettre, ce qu’il avait appris de Lazlo, Martin, pénétré par le caractère tragique du récit, ôta ses lunettes, en polit soigneusement les verres avec son drap, puis sortit du lit. Sans prendre le temps de passer une robe de chambre, il étreignit avec une tendresse virile son ancien élève.
     
    – Mon pauvre Axel ! Je devine – je peux dire je ressens – ce que tu ressens. Je perçois le vide vertigineux que creuse cette disparition violente. L’aimée, si souvent absente, l’est maintenant à jamais. Cela paraît impossible à admettre, plus encore à accepter. Et cependant ! Tu dois regarder du côté de la vie, tourner le dos à la mort. Vois, dit-il en entraînant Axel devant la fenêtre, ouverte sur la place Saint-François.
     
    Autour de la vieille église, quartier du négoce et des affaires, régnait déjà l’activité d’un jour de semaine. Des gens allaient, se croisaient, s’interpellaient, se saluaient. Traversant l’esplanade, des paysans conduisaient des charrettes pleines de jattes de lait ou débordantes de légumes et de fruits. Ils convergeaient vers la place de la Palud où se tenait le marché principal. Devant la Poste aux chevaux, les diligences de l’État, à destination de Genève, Berne ou Neuchâtel, se préparaient au départ, à côté des grandes voitures d’Émery et Chabot, en partance l’une pour Paris, l’autre pour Berlin. Les palefreniers apostrophaient les chevaux en leur passant collier, muserolle et dossière, tandis que les postillons, gens d’importance, portant bottes cirées et manteau court, aidaient les voyageurs à s’installer dans les berlines.
     
    – Vois, Axel. C’est un beau jour de septembre qui commence. Il fera beau, même chaud, et les femmes passeront des robes légères, qui les rendront encore plus belles et désirables. Parmi tous ces gens qui vont et viennent, riches ou impécunieux, guillerets ou préoccupés, jeunes ou rhumatisants, connus, tiens, comme ce député au Grand Conseil, qui donne des coups de chapeau à ses électeurs, ou anonymes, tel ce terrassier qui pousse sa brouette, combien, parmi tous ces Vaudois, pleins de projets, d’ambitions ou de désirs plus ou moins avouables, dis-moi, combien verront rentrer la vendange prochaine ?
     
    – Ce qui veut dire ? fit Axel, la gorge serrée.
     
    – Ce qui veut dire que la mort est une visiteuse imprévisible. Elle peut surgir à tout moment, sans que l’on sache sous quel travestissement elle paraîtra. Souviens-toi des Ruty, ce n’est pas si vieux ! Avec

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