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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d’Hortense, qui se considère d’ailleurs comme le prétendant officiel des Napoléonides, est assez audacieux et ambitieux pour, le moment venu, risquer quelque action. Il vient d’ailleurs de publier un ouvrage dont le titre suffit à nous éclairer : Rêveries politiques , répondit Blaise à sa femme.
     
    Le général Ribeyre intervint :
     
    – Metternich s’en méfie depuis longtemps. Nous savons que le chancelier a envoyé à Louis-Philippe, via son ambassadeur à Paris, une mise en garde. Le fait que Louis Napoléon soit affilié aux carbonari, ait participé à la révolte en Romagne et, surtout, échappe à toute surveillance active quand il séjourne en Suisse ou en Angleterre constitue, d’après l’Autrichien, une menace non seulement pour le trône de France mais pour la paix de l’Europe, compléta le général.
     
    – D’après ce que nous ont dit nos amis suisses, reprit Blaise, ce prince de vingt-quatre ans, qui donne des insomnies à Metternich, s’est fait remarquer l’an dernier pendant les manœuvres de l’artillerie et du génie, à Thoune. Le colonel Dufour, qui l’a fait admettre à l’École militaire, dont il est fondateur, tient Louis Napoléon en grande estime. Le colonel a même été reçu par la reine Hortense et son fils à Arenenberg. On dit que des liens d’amitié existent entre le maître et l’élève, ajouta Blaise.
     
    Le pasteur, qui figurait au nombre des invités, se mêla à la conversation :
     
    – Les autorités cantonales, au risque de déplaire au roi Louis-Philippe, semblent également apprécier ce prince français. Le Grand Conseil du canton de Thurgovie, siégeant à Frauenfeld, lui a conféré, le 20 avril dernier, le droit de bourgeoisie, ce qui fait Louis Napoléon citoyen suisse. Pour remercier les Thurgoviens, il leur a offert deux petits canons 1 . Il a aussi donné de l’argent pour la fondation d’une école gratuite à Frauenfeld et d’une autre à Steckhorn. C’est tout bon.
     
    Le nom de Dufour ayant été cité, Axel Métaz, qui était en rapport avec les collaborateurs du colonel pour la fourniture de pierres à bâtir, glissa une information recueillie à Genève :
     
    – Savez-vous que Dufour vient d’être promu officier de la Légion d’honneur par Louis-Philippe, alors qu’il avait été fait chevalier, en 1815, par Napoléon. C’est drôle, non ?
     
    Avant de répondre, Blaise de Fontsalte jeta un regard à Ribeyre, comme pour s’assurer de son approbation.
     
    – Ce polytechnicien ne déshonore pas, comme les bas courtisans parisiens, le ruban que nous portons, Axel. C’est un bâtisseur de génie. Vous savez mieux que quiconque l’œuvre entreprise pour embellir la ville de Genève. La Diète fédérale, qui semble redouter on ne sait quelle attaque contre la Confédération, a nommé le colonel Dufour inspecteur du personnel de l’armée et chef d’état-major général. C’est à ce titre qu’il fait entreprendre la construction de fortifications à Saint- Maurice, à Aarberg, à Bellinzona et, aussi, la confection d’une carte topographique générale de la Suisse, ajouta Fontsalte.
     
    Ces échanges intéressaient les invités vaudois d’Axel, qui ne connaissaient des événements et intrigues internationales que ce que les journaux voulaient bien en révéler. Pour les Veveysans, Blaise de Fontsalte et Ribeyre de Béran étaient des hôtes de marque, qui disposaient d’informations inaccessibles au commun des mortels. Tous étaient fiers, maintenant, de les admettre dans les cercles les plus fermés de la bourgeoisie. Courtois, sentimentaux et peu enclins à se mêler des affaires d’autrui, les Veveysans semblaient avoir oublié que Charlotte de Fontsalte s’était appelée M me  Métaz ! Pour évoquer Guillaume Métaz, on parlait de l’Américain, en feignant de croire que son départ pour l’Amérique avait été dicté par la même ambition de faire fortune qui, depuis le commencement du siècle, poussait des Vaudois à quitter leur lac et leurs montagnes.
     
    Charlotte, rentrée quelques jours plus tôt de Fontsalte, où elle jouait à la châtelaine, ne tarissait pas d’éloges sur le chemin de fer, qu’elle avait emprunté, avec le général, entre Saint-Étienne et Lyon.
     
    – Vous rendez-vous compte que nous avons fait quinze lieues en moins de temps qu’il ne faut pour en faire trois en diligence ? Dans ce pays de petites montagnes et de longues vallées,

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