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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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acheva le pasteur.
     
    – J’ignorais que les morts boivent ! dit Vuippens, qui désapprouvait une telle sépulture.
     
    – Cette visite à Coppet dut donner du vague à l’âme à M. de Chateaubriand, car, dès son retour à Genève, il aurait dit, contemplant le mont Blanc, que ce serait pour lui une mort grandiose d’aller mourir, seul comme un aigle, sur ce sommet de l’Europe 3  ! révéla Chantenoz.
     
    Blaise de Fontsalte, qui goûtait toujours les anecdotes du professeur, tint à préciser que le choléra n’était pas le seul danger qui avait incité M. de Chateaubriand à quitter Paris. De la même façon qu’il y avait eu, les 5 et 6 juin, une tentative d’insurrection conduite par les républicains lors des funérailles du général Lamarque, autre victime du choléra, un complot légitimiste, fomenté par la duchesse de Berry, inquiétait le gouvernement de M. Thiers. Secrètement débarquée fin avril à Marseille, où ses amis avaient vainement tenté de soulever le peuple en sa faveur, la veuve du duc de Berry s’était confiée, à Paris, à M. de Chateaubriand, ce qui avait valu à l’auteur du Génie du christianisme , le 16 juin, vingt-quatre heures d’internement chez le préfet de police.
     
    – Et cependant, le très royaliste M. de Chateaubriand venait de refuser un siège au Conseil de régence secret, institué à Paris par la duchesse, qui se veut régente de France. Nonobstant l’affection qu’il porte à cette femme courageuse, que ses amis appellent l’Amazone, M. de Chateaubriand compare la duchesse à une danseuse de corde italienne et se défie de ses initiatives, précisa Ribeyre.
     
    – Tout en refusant de siéger dans ce conseil de fantaisie, M. de Chateaubriand avait, cependant, accepté de remettre au préfet de police de Paris une somme de douze mille francs, offerte par la duchesse aux familles des victimes du choléra. Le préfet et plusieurs maires refusèrent ce don, par crainte de se compromettre. Mais cette démarche charitable accrédita, pour la police, la participation de M. de Chateaubriand au complot avorté de Marseille et lui valut le bref internement que l’on sait, acheva Blaise.
     
    – Mais, enfin, qu’espère donc la duchesse de Berry ? On a assassiné son mari en 1820, on l’a condamnée elle-même à l’exil après la révolution de 1830. Quels ennuis cherche encore cette malheureuse ? demanda Chantenoz.
     
    Le professeur humait, dans l’action de cette jolie veuve ultra-royaliste qui rêvait de ranimer la chouannerie, un parfum romantique.
     
    – Elle croit encore pouvoir porter au trône son fils, l’enfant du miracle, ainsi nommé parce que né sept mois et demi après la mort de son père. Or le duc de Bordeaux, reconnu comme Henri V par les légitimistes, n’a que douze ans, d’où la nécessité du fameux Conseil de régence. Pour les royalistes, atta chés à la branche aînée des Bourbons, Louis-Philippe, « roi des barricades », comme ils le nomment, fils de Philippe Égalité le régicide, est un usurpateur ! dit Blaise.
     
    Une autre allusion ayant été faite au choléra, Axel s’assombrit. Plusieurs invités se tournèrent vers le docteur Vuippens, qui, quelques semaines après son voyage à Paris, avait publié, sur l’épidémie, un article dans une feuille locale.
     
    – L’épidémie semble terminée. Mais, d’après le dernier recensement, elle a fait, en cent quatre-vingt-neuf jours, rien qu’à Paris, dix-huit mille quatre cent deux morts, soit 2,35 pour cent de la population parisienne.
     
    – On dit que le choléra a tué plus de femmes que d’hommes, remarqua la femme du pasteur.
     
    – C’est exact, madame, encore que le choléra n’ait pas nettement épargné un sexe par rapport à l’autre : neuf mille deux cent trente-deux femmes pour neuf mille cent soixante-dix hommes, précisa Vuippens.
     
    – Ainsi, le choléra a souscrit aux récriminations de nos féministes qui réclament l’égalité des sexes ! dit Chantenoz, moqueur.
     
    – L’égalité des sexes, nous y courons, mes amis. Surtout chez les Régénérés. Avez-vous su que le gouvernement libéral de Berne, installé depuis juillet 1831, a donné, pour les élections locales, le droit de vote aux femmes ? dit Régis Valeyres.
     
    – Ce n’est que justice et il faut espérer que tous les cantons suivront, s’écria Flora, ce qui déclencha des réactions diverses, dominées par les

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