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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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où la route est contrainte à mille détours, le chemin de fer va tout droit ! dit-elle, enthousiaste.
     
    – Mais pour franchir les montagnes, comment fait-il ? demanda la femme du pasteur.
     
    – Par le moyen d’une galerie. Cinq minutes après le départ de Saint-Étienne, on a déjà fait une lieue, le convoi entre sous terre. C’est une voûte, sombre comme la bouche de l’enfer, et « longue de 4 600 pieds », nous a dit le conducteur de la compagnie responsable de notre voiture.
     
    – N’a-t-on pas peur, dans cette obscurité ? Ne pense-t-on pas que la montagne va s’effondrer sur votre tête et vous écraser ? demanda un conseiller municipal.
     
    – Si Blaise ne m’avait tenu la main, certes, j’aurais eu peur, car on sent un vif courant d’air. La fumée de la machine à vapeur pénètre dans les voitures et on entend un ferraillement bizarre, reconnut Charlotte.
     
    – Les éboulements ont été prévenus par des voûtes solides et, à certains endroits, sur les côtés de la galerie, on a ouvert des boyaux de secours. Ce sont autant de mines, d’où l’on extrait un excellent charbon, que l’on charge sur des wagons qui circulent entre les deux convois réservés, chaque jour, aux voyageurs, précisa Blaise.
     
    – Comme nous étions assis sur le devant de la première voiture, j’ai été bien aise de voir le jour poindre à la sortie de la galerie. C’était comme un point lumineux qui grossissait, qui grossissait, tandis que nous avancions. Sensation unique, croyez-moi ! confessa Charlotte.
     
    – Est-on bien installé, dans ces voitures ? s’enquit Chantenoz.
     
    – À Saint-Étienne, le train – c’est ainsi qu’il faut appeler le convoi, de son nom anglais, paraît-il – attend les voyageurs dans un grand hangar. Les voitures ressemblent à nos diligences. Elles ont plusieurs compartiments. On est six par compartiment, assis très à l’aise, sur des espèces de fauteuils. Sur le devant se tient un conducteur en uniforme, une trompette à la main. Il fait l’appel des voyageurs. C’est ainsi dans les quatre voitures accrochées les unes aux autres. Quand tous les voyageurs ont pris leur place, le conducteur de la première voiture donne un son de trompe et les autres lui répondent. Alors, il tourne une sorte de volant relié à une vis…
     
    – La commande du frein, précisa Blaise.
     
    – … et le convoi se met en route, tiré par la machine, qui souffle et crache de la fumée de charbon. Le chemin de fer des frères Seguin s’élance, on voit défiler les arbres, les maisons, les vallées, les montagnes, à une vitesse qui donne le frisson et le vertige. Et puis on s’habitue à cette griserie. On voudrait presque aller plus vite.
     
    – Mais le chemin fer ne peut-il pas tomber de ses rails, se renverser ? s’inquiéta la femme du pasteur.
     
    – Les voitures de chemin de fer diffèrent des voitures ordinaires par les roues, madame. Celles-ci sont en fer et leur bandage est légèrement creusé, afin de s’emboîter exactement sur les rails en forme de cornières, dit Blaise.
     
    – Bref, mes amis, nous avons mis à peine deux heures et demie pour aller de Saint-Étienne à Lyon, sans une secousse, sans fatigue ni danger. À Lyon, nous avons pris la diligence de Genève. C’est la dernière étape qui nous a paru la plus longue : six heures pour aller de Genève à Lausanne. Espérons que, bientôt, le gouvernement vaudois s’entendra avec celui de la république de Genève pour construire une ligne de chemin de fer, conclut M me  de Fontsalte, dont on devinait qu’elle allait se faire l’ardente propagandiste de ce qu’elle nommait déjà « la plus noble conquête de l’homme depuis le cheval » !
     
    Les Laviron, cantonnés dans leur deuil, avaient décliné l’invitation d’Axel Métaz, mais, au moment du repas, se trouvaient rassemblés à la table du maître de Rive-Reine : le pasteur et sa femme, Charlotte et Blaise, Flora et son mari, Pierre Valeyres, Louis Vuippens, Martin Chantenoz, Régis Valeyres, Samuel Fornaz, des personnalités locales et plusieurs jeunes Veveysannes, ravies d’être promues cavalières pour célibataires. Les maîtres de chai et tous les vendangeurs et vendangeuses, qui, pendant une semaine, avaient cueilli le raisin des vignes Métaz, occupaient d’autres tables avec leurs épouses, tous et toutes prêts à banqueter gaiement.
     
    Comme chaque année depuis dix ans,

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