Rive-Reine

manières et le sens du raffinement !
     
    – Mieux vaut une tête bien pleine qu’une tête bien coiffée ! dit Axel.
     
    M me  de Fontsalte rejeta, d’un mouvement du menton, cette insolence. Mais elle baissa le ton pour continuer :
     
    – Et puis, je vais te dire, Axel : Alexandra est une enfant très précoce, grande pour son âge. Je la vois te faire des grâces et des câlins. C’est déjà une petite femme. Dans deux ans, elle sera amoureuse de son parrain…
     
    – Non !
     
    – Si ! Toutes les filleules sont, à un moment ou un autre, amoureuses de leur parrain. Surtout s’il est beau, gentil, généreux et sans épouse. Ce qui est ton cas. Elle se prendra bientôt pour la femme de la maison. Et ça, c’est malsain ! Surtout qu’Alexandra a de qui tenir. Sans médire de ces pauvres Nadine et Nadette, les jumelles avaient un peu le feu sous leur jupon, non ? Donc, je vais chercher une institutrice, qui prendra en main l’éducation d’Alexandra et en fera une vraie jeune fille en quelques années. Mais, crois-moi, Axel, il est temps de commencer !
     
    – Essayez de la choisir pas trop laide, votre éducatrice ! dit Axel, riant encore.
     
    – Les Anglaises tiennent très bien ce genre d’emploi. Fais-moi confiance, conclut M me  de Fontsalte au moment où la fillette, dont il venait d’être si longtemps question, entrait en coup de vent dans le salon.
     
    – Parrain ! Je t’attends ! La barque est prête ! Pierre a ramassé plein de vers. Il a dit : « Ça va mordre, aujourd’hui ! » lança Alexandra, tirant l’homme par la main sans s’occuper de Charlotte.
     
    Axel se leva, eut envers sa mère un geste fataliste. Il devait obéir aux ordres, la partie de pêche étant organisée depuis la veille.
     
    – Anglaise ou pas, maman, choisissez une institutrice qui sache enfiler correctement un asticot sur un hameçon et distinguer la féra de la gravenche ! Sinon, elle aura des déboires ! conclut Axel Métaz en coiffant d’un geste ample son vieux chapeau de pêcheur.
     
    1 Georges-Louis Lesage (1724-1803). Physicien, mathématicien et philosophe genevois. Il est surtout connu par ses études sur la pesanteur et sa théorie des fluides élastiques. Il fut, en 1764, un des prétendants à la main de M lle  Suzanne Curchod, la future M me  Necker, mère de M me  de Staël.
     
    2 La Suisse compte, en 2010, vingt cantons – dont le Jura, créé en 1978 – et six demi-cantons.
     
    3 Officiellement créée en novembre 1832, elle prit le nom de Ligue de Sarnen, du nom de la commune du canton d’Unterwald où se réunirent pour la première fois les délégués des cantons conservateurs.
     
    4 Traduits devant la cour d’assises du Puy-de-Dôme, à Riom, ils furent tous acquittés.
     
    5 1801-1877. Il termina sa carrière comme chirurgien en chef de l’hôpital cantonal de Lausanne.
     
    6 Son action pendant l’épidémie de choléra valut au docteur Wolowski la Légion d’honneur et le droit d’exercer en France.
     
    7 Cité par Alexandre Dumas dans Mes Mémoires , tome V, éditions Gallimard, collection Au temps présent , Paris, 1968.
     
    8 1792-1866, industriel. Associé aux frères Perier, il prit part à la révolution de 1830 et fut nommé préfet de police en octobre 1831. Il organisa les poursuites contre les républicains et dut démissionner en 1836. Conseiller d’État, puis député de Saint-Denis, il fut plusieurs fois accusé de concussion, en 1830 et 1837. Innocenté, il fut, cependant, révoqué du Conseil d’État. Il a laissé des Mémoires , publiés en 1840.
     

6.
     
    La vigne exerce sur le vigneron une emprise physique et imprègne ses plus intimes pensées. En imposant à l’homme, au fil des jours, de prendre soin d’elle, la vigne se conduit en épouse exigeante mais féconde.
     
    Malgré quelques écarts ou oscillations météorologiques, ignorés du calendrier, le vignoble réclame, en toute saison, disponibilité et conscience. Intimement lié à sa vigne, le vigneron joue, chaque année, à qui perd gagne avec la nature. La vendange est l’enjeu de cette partie en plusieurs manches où toute relance est incertaine. La taille habile, le minutieux désherbage, l’ébourgeonnage prudent, l’effeuillage orienté sont les atouts du vigneron, mais le destin dispose de cartes fatales, qu’il peut abattre à tout moment : gel tardif, grêle, vaudaire, sécheresse, parasites.
     
    Gouvernant la vie de qui