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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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en Suisse, à l’ossuaire de Morat, du crâne d’un soldat de Charles le Téméraire, tué par les Bernois devant Nancy en 1477.
     
    – Au lieu de choisir la mort, Roméo et Juliette auraient dû choisir la vie, fuir ensemble leurs familles imbéciles et s’aimer jusqu’à satiété. La mort, comme la fin de l’amour, vient toujours assez tôt, commenta Adrienne.
     
    – Shakespeare n’aurait pas eu d’argument pour sa tragédie et, aujourd’hui, personne ne se souviendrait de ces amoureux de légende. Et nous ne serions pas en pèlerinage à Vérone où se déroula, il y a moins longtemps, un drame plus sanglant et plus réel, ajouta Axel, peu enclin à la sensiblerie.
     
    – De quoi veux-tu parler ?
     
    – Du massacre des Français, en avril 1797, juste après la victoire de Bonaparte à Rivoli. On appelle ça les Pâques véronaises, compléta le jeune homme.
     
    – Tiens, tu sais cela, toi !
     
    – Et bien d’autres choses, Adry ! Mon père putatif est un grand admirateur de Napoléon, dont j’ai entendu chanter les louanges sur tous les tons pendant mon enfance.
     
    – Et toi, l’aimes-tu, l’empereur ? demanda Adrienne, avec une fougue soudaine qui prit Axel au dépourvu.
     
    – Aimer n’est pas le mot, mais je crois qu’il fut un grand homme de guerre. Bien qu’il soit aujourd’hui prisonnier des Anglais et, à ce qu’on dit, assez mal traité, il ne faut pas oublier qu’il a fait tuer des centaines de milliers d’hommes !
     
    – Un grand homme de paix, devrais-tu dire ! Il voulait apporter la liberté à tous les peuples, construire une Europe heureuse et prospère. Ce sont les tyrans opposés à ses desseins qui, pour conserver leur trône et leur pouvoir autocratique, ont fait massacrer une partie des peuples qu’ils continuent à opprimer. Mais la liberté triomphera partout et Napoléon reviendra d’exil, pour anéantir les despotes !
     
    Le ton véhément, presque coléreux, de la baronne surprit Axel.
     
    – Mais tu es autrichienne par mariage, et l’empereur d’Autriche figure parmi les membres de la Sainte-Alliance. Ton mari ne doit pas partager tes sentiments. Si tu es, à ce point, bonapartiste, pourquoi diable as-tu épousé un représentant des ennemis de Napoléon ?
     
    – Pour mieux servir la liberté, si tu veux le savoir ! Mais je ne t’en dirai pas plus… pour aujourd’hui.
     

    La scène de Vérone laissa longtemps Axel Métaz perplexe. Depuis la première nuit, il constatait chez Adrienne une réticence à parler d’elle-même. Il devinait confusément qu’elle ne disait jamais la vérité complète sur l’existence qu’elle avait menée avant de rencontrer le baron, ni sur sa façon de vivre présente. Mais il tenait de l’éducation et de l’exemple donnés par Guillaume Métaz une faculté de patience et une sérénité de jugement qui l’incitaient à attendre des événements les explications que ne lui fournissaient pas spontanément les êtres.
     
    Du mystère qui nimbait l’existence d’Adrienne il eut une nouvelle illustration lors de leur bref séjour à Florence. Ugo Malorsi s’était joint à l’expédition. Quand le jeune homme avait annoncé ce nouveau voyage, le vieillard avait soupiré : « Comme j’aimerais revoir les peintures des Offices avant de mourir ! – Eh bien, venez avec nous ! » s’était écrié Axel.
     
    Et le comte, avec empressement, avait accepté. Du sachet aux pierres précieuses, remis autrefois par Blaise de Fontsalte, Axel avait extrait un diamant. La vente de la gemme lui avait permis d’offrir une garde-robe de touriste à son vieil ami et d’assumer, personnellement, les frais d’une invitation qu’Adrienne ne put contester.
     
    À Florence, le jeune homme voulut revoir d’abord la Vénus d’Urbin, pendant qu’Adry allait rendre des visites que sa position d’épouse de diplomate autrichien, disait-elle, lui imposait. Lors de son premier voyage en Italie, avec Martin Chantenoz, la peinture de Titien avait offert au garçon la première révélation du corps féminin. Le petit chien endormi aux pieds de la belle créature le fit maintenant sourire.
     
    – Quand j’avais treize ans, j’ai envié la situation de ce bichon, confia-t-il à Malorsi, qui l’avait accompagné au musée.
     
    – Et maintenant, vous êtes à la place du toutou ! ironisa le comte.
     
    Cette réflexion amusa le Vaudois, dont l’orgueil souffrait en effet par moments de

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