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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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feuillet à la lettre de son père, pour demander à Axel de veiller sur leur mère, à qui elle avait pardonné le malheur répandu sur la famille.
     
    « Je suis allée lui faire mes adieux à Lausanne, car on ne doit pas se séparer, peut-être à jamais, en mauvaise intelligence. Je l’ai embrassée. Elle est toute changée. Je crois qu’elle attend que tu reviennes près d’elle. Tu as toujours été son préféré et, maintenant, nous savons pourquoi », écrivait Blandine avant de signer : « Celle qui reste à jamais ta petite sœur qui t’aime. »
     
    Axel Métaz se promit d’écrire à sa mère, d’obéir à celui qu’il continuait à reconnaître comme son père et de rentrer au pays avant le printemps. Cela lui laissait encore plusieurs semaines de liberté et, il en avait bien conscience, de folie.
     
    En l’absence du baron von Fernberg « appelé en consultation à Vienne », expliqua Adry, cette dernière décida qu’il était temps de voyager. La baronne disposait d’une confortable berline anglaise à six chevaux et le couple se lança sur les routes, accompagné de deux postillons et des deux servantes à robes noires. Ces dernières se nommaient Zélia et Miska. Quand elles enlevèrent leur capuche, Axel découvrit qu’elles étaient plutôt jolies et à peine plus âgées que leur maîtresse. Depuis qu’elles avaient remarqué l’œil vairon du chevalier servant de la baronne, elles affichaient un respect craintif pour le Vaudois. Ces femmes aux gestes furtifs et précis parlaient entre elles et avec les postillons, géants taciturnes aux cheveux longs et luisants de graisse, une langue gutturale dont usait aussi Adrienne pour donner des ordres. Cela intriguait Axel, ce qui le conduisit à questionner sa demi-sœur.
     
    – C’est la langue de leur tribu, celle du pays de ma mère, la langue des Tsiganes, répondit-elle. Elle est dérivée du valaque et du moldave, mais chaque tribu a fabriqué, d’après ces langues, son propre dialecte. C’est le moyen de communiquer secrètement entre membres d’une même communauté. Zélia et Miska, comme les cochers, sont des Zigeuner 4 . Ils me sont tous dévoués jusqu’à la mort. C’est ma mère qui les a délégués près de moi.
     
    – Tu ne m’as jamais parlé de ta mère. Où vit-elle aujourd’hui ? demanda Axel.
     
    – Elle vit dans un monastère, loin d’ici, dans les Carpates. Ma mère est une sorte de reine chez les Zigeuner. Mais je n’aime pas trop parler d’elle, Axou.
     
    – Pourquoi ne pas parler de ta mère ? Tu es fâchée avec elle ?
     
    – Tu ne comprendrais pas, même si je pouvais tout te dire. Quand elle a rencontré mon père, notre père, elle était comédienne ambulante. Elle m’a abandonnée aux Fontsalte à ma naissance et j’ai été, d’abord, mise en nourrice, puis dans un pensionnat tenu par des religieuses, à Montbrison, en Forez. De là, je me suis enfuie grâce au père d’une amie de pension. Ensuite j’ai fait mon éducation dans le monde, à Paris et ailleurs. Et un jour, alors que j’avais seize ans, ma mère m’a fait enlever…
     
    – Enlever ? Et par qui ? s’étonna Axel.
     
    – Par les Tsiganes de sa tribu. Ce serait trop long à t’expliquer. J’ai passé deux ans chez les Zigeuner, en Valachie. J’ai appris beaucoup de choses qui touchent aux sciences secrètes et, ensuite, ma mère m’a laissée partir et je suis devenue une dame, voilà ! En vérité, ma mère me fait un peu peur, et je crains toujours de l’offenser, dit Adrienne avec une gravité inhabituelle.
     
    Elle se reprit vite, battit des mains, virevolta, comme elle le faisait souvent, en entraînant Axel dans une danse saccadée.
     
    – Allons faire nos bagages. Nous partons demain pour Vérone, lança-t-elle, joyeuse.
     
    Cette excursion les conduisit tout naturellement sur la piazza delle Erbe, devant le palais des Capuletti. Adry tint à ce qu’Axel lui donnât un baiser sous le balcon où Juliette, enamourée, écoutait jusqu’à l’heure de l’alouette les fadaises débitées par Roméo. Ils allèrent ensuite voir, dans le jardin d’un cloître proche de la via del Pontiere, le tombeau, à demi ruiné, que les Véronais affirmaient être celui de la suicidée, en se référant à la date gravée sur le sépulcre : 1303. Lord Byron, qui avait précédé de quelques mois les amants, avait prélevé là des débris de granit, comme il s’était emparé en 1816,

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