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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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souvent au théâtre de la Fenice, où Fernberg avait sa loge. Un soir de novembre, ils assistèrent à un petit scandale, que seuls perçurent quelques initiés. Au milieu de la représentation, Teresa Guiccioli fit irruption, aussi discrètement que possible, dans la loge réservée aux messieurs parmi lesquels se trouvait lord Byron. La jeune femme se glissa près du poète et parut lui parler avec véhémence.
     
    – Elle a les yeux rouges, elle a pleuré et je sais pourquoi, dit Adrienne en braquant sa lorgnette sur Teresa.
     
    – Vraiment, tu sais ce qui fait pleurer cette dame ? s’étonna Axel.
     
    – Je sais tout ce qui se passe à Venise, Axou. Et je puis te dire que, cet après-midi, le comte Guiccioli a fait savoir à son épouse qu’elle partait demain pour Ravenne avec lui. Il doit juger l’aventure anglaise terminée.
     
    À Noël, Axel Métaz le protestant assista, pour la première fois de sa vie, à la messe de minuit. Adrienne devait s’y montrer, car toute la colonie autrichienne s’y rendait. Accoutumé au dépouillement des temples et à la sobriété des cultes, le Vaudois fut une fois encore ébloui par les lumières, les ornements des célébrants, la musique et les chants.
     
    À l’issue de la cérémonie, la baronne le présenta comme son jeune frère, récemment arrivé de Suisse. Le comte autrichien gouverneur de Venise, les diplomates, hauts fonctionnaires et officiers supérieurs de la garnison occupante firent preuve d’une extrême courtoisie. Le couple fut convié à la réception traditionnelle que donnait le représentant de l’empereur d’Autriche dans le palais des Procuratie Nuove, construit en d’autres temps pour Napoléon. À cette occasion, Axel put constater la déférence, presque l’obséquiosité que les invités de tout rang, civils ou militaires, manifestaient à sa demi-sœur, en demandant des nouvelles de l’époux absent. Il se souvint de ce que le comte Malorsi avait dit du baron von Fernberg et eut ainsi confirmation de la puissance occulte de l’Autrichien.
     
    – Ton mari a l’air d’être très populaire, observa-t-il un peu plus tard.
     
    – Il est craint, ce qui est beaucoup mieux, répliqua Adry avec un sourire ambigu.
     

    Au Florian, quelques jours plus tard, Axel fit se rencontrer Adrienne et le comte Ugo Malorsi. Dès ce jour, on vit souvent le vieux Vénitien en compagnie du couple. Ensemble, ils se rendirent aux concerts d’hiver, donnés dans des palais glacés. Les musiciens réchauffaient leurs doigts gourds aux braseros, avant d’attaquer un quatuor de Haydn ou des œuvres de Vivaldi, que des patriciens mélomanes s’efforçaient de tirer de l’injuste oubli où le plus fameux compositeur vénitien du xviii e  siècle était tombé. En revanche, le comte Malorsi ne suivait pas ses amis quand ceux-ci couraient d’un bal à l’autre, ou se faufilaient, masqués, dans des maisons de jeu qui n’étaient pas toutes fréquentables.
     
    Dans un ridotto huppé du quartier San Moisè, Adry fit, une nuit, devant Axel, une étonnante démonstration de son pouvoir. Elle affirma qu’elle savait, à son gré, faire perdre un joueur assis devant une table de bassette. Comme Axel manifestait son incrédulité, elle fixa la nuque d’un inconnu, qui maniait jusque-là ses cartes avec profit. L’homme se mit soudain à perdre. Il abandonna plus de cent ducats en dix minutes et quitta le jeu dépité, la mine sinistre, assurant à qui voulait l’entendre qu’il n’avait jamais connu pareil revirement de la chance. Ce même soir, Adry raconta qu’étant enfant il lui était arrivé de faire trois pas sans toucher le sol ! Comme Axel se montrait encore une fois sceptique, elle reconnut que ça ne lui arrivait plus, mais elle affirma qu’elle pouvait encore arrêter une horloge à distance et souffler une chandelle d’un regard ! Aucune pendule n’étant visible, elle se contenta d’éteindre au passage le flambeau que brandissait un valet. Le Vaudois mit, sans le dire, cette extinction au compte d’un courant d’air !
     

    Les jours passaient sans qu’Axel, qui prenait goût à cette vie de plaisir et de jeux, songeât à rentrer en Suisse. Une lettre de Guillaume, un peu amer de n’avoir pu revoir son garçon la veille de son départ pour les Amériques, invitait ce dernier à regagner Vevey avant les labours de mars car Simon Blanchod, en charge du vignoble, se faisait bien vieux. Blandine avait joint un

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