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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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dix-huit ans, si j’additionne nos courtes entrevues, nous n’avions pas passé plus de quelques semaines ensemble ? dit-elle ingénument, avant de s’étendre avec un rien d’affectation sur l’aspect sentimental, presque cérébral et platonique, de son attachement pour Blaise.
     
    Axel accepta de la croire, estimant que sa mère n’atteindrait jamais la maturité. Quand vint son tour de parler, tout en étant sincère dans l’exposé de ses propres aventures, il tut quelques détails, moins par honte de ses actes que par respect pour cette mère, dont il découvrait qu’elle avait été une amoureuse béate, solitaire et rarement comblée. S’il avoua que Mrs. Moore avait été sa maîtresse et qu’il avait retrouvé à Venise une demi-sœur dont Charlotte connaissait l’existence, il ne révéla pas la véritable nature de ses relations avec Adrienne de Fontsalte, baronne von Fernberg. Bien que la notion d’inceste, qui restait pour lui choquante et peccamineuse, lui parût maintenant dérisoire, du fait de la personnalité d’Adrienne et de l’ambiance vénitienne, il ne voulait pas courir le risque d’offusquer sa mère. Catholique convaincue, celle-ci eût vu dans le partage du plaisir sexuel avec une telle partenaire un acte contre nature. Axel se garda bien, également, de raconter son déniaisage par Tignasse, la sœur de Flora !
     
    Ils avaient épuisé leurs confidences et commençaient à envisager l’avenir de leurs relations et l’organisation de la vie d’Axel à Vevey, quand Flora apparut, pimpante, mince et nerveuse, dans une robe de dentelle noire, qui soulignait sa pâleur naturelle.
     
    – Mon Dieu, mon Axou, comme tu as forci ! Quel homme tu fais ! Où étais-tu tout ce temps ? Vilain garçon ! Quel souci nous nous faisions, ta mère et moi !
     
    Axel laissa passer les démonstrations de tendresse et le flot de questions et, comme Flora réclamait une tasse de café, Charlotte, qui donnait des signes de fatigue, se retira, abandonnant M lle  Baldini tête à tête avec son filleul. Pour l’Italienne, Axel détailla ses voyages puis finit par poser la seule question qui l’intéressait :
     
    – Pourquoi, diable, as-tu, le soir de la fête des Vignerons, envoyé ce message à Fontsalte ? Ne pouvais-tu imaginer ce qui allait en résulter ?
     
    – Mon petit Axel, je voulais que cet homme, que je connaissais depuis mai 1800, sût dans quelle situation il avait mis ta mère, puisqu’elle-même n’avait jamais eu le courage de le lui dire. Mais je ne pouvais imaginer que Chantenoz serait, ce soir-là, assez ivre pour dévoiler publiquement ce que j’ignorais qu’il savait. Car je croyais être la seule à savoir que tu n’étais pas le fils de Guillaume. Or Martin l’avait appris aussi ! De là, ce qui s’est passé dans le caveau de ton père ! Tu m’en gardes rancune ?
     
    – Non, Flora, je n’en veux à personne et je souhaite maintenant que nos vies, celle de ma mère et la mienne, s’établissent sur de nouvelles bases. Mon père, enfin le mari de ma mère, a choisi la solution brutale et péremptoire. Il refera sa carrière et sa fortune en Amérique et ma sœur l’y aidera. Mais je veux que ma mère se sente libre d’aimer l’homme par qui tout est arrivé…, y compris moi ! Et, d’ailleurs, où est-il à cette heure ?
     
    – Il partage son temps entre sa source d’eau minérale du Forez, où vit sa mère, et Lausanne. De temps en temps, il disparaît comme il l’a toujours fait pour quelque mystérieux voyage. Quand régnait l’affreux Corse, Fontsalte était un des chefs du service des Affaires secrètes et des Reconnaissances. Or les bonapartistes ne rêvent que de tirer Napoléon de Sainte-Hélène et de le reconduire à Paris ! Alors !
     
    – Mais où habite-t-il à Lausanne ?
     
    – Il ne vient jamais rue de Bourg. Je dois reconnaître qu’il se conduit avec une parfaite discrétion. Il ne veut pas que l’on critique Charlotte, dont le statut de femme séparée de son mari, et bientôt divorcée, prête à ragots et suscite une surveillance attentive des commères. Il habite une propriété de ta mère, le moulin sur la Vuachère, à Ouchy. C’est là qu’elle va le voir, comme elle l’a toujours fait. Mais on peut rencontrer en ville, faisant le marché, l’âme damnée du général. Une sorte de géant barbu à jambe de bois. Son ancienne ordonnance. Ta mère l’appelle Titus. C’est un type brutal

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