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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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et sans éducation, qui a tenté de me violer autrefois !
     
    – Non ? Te violer, raconte ! dit Axel en riant.
     
    – Rien de risible, je t’assure, dit Flora, vexée.
     
    Mais elle fit avec complaisance le récit de son arrestation par Fontsalte, en mai 1800, et tout ce qui s’ensuivit.
     
    – Comme c’est drôle ! Tu espionnais les Français pour le compte des Autrichiens, toi, Flora. Plus j’avance en âge et dans la connaissance des êtres et plus je crois que le plus intéressant de la vie de chacun est ce qu’il en cache !
     
    Flora haussa les épaules et but une gorgée de café.
     
    – C’est à cause des hommes que les femmes doivent cacher leur vie, Axou !
     
    – En tout cas, le général Fontsalte est un gentilhomme. Ne peut-on imaginer que, le divorce prononcé et un an ou deux passés, il pourrait épouser ma mère ? Ce qui simplifierait tout.
     
    – Quoi ! Je te trouve bien indulgent pour ce soudard. Que tu sois sans rancune envers ta mère, c’est naturel. Tu n’as jamais eu à souffrir de sa conduite. Mais consacrer l’adultère par un mariage, non ! Le mari de ma sœur Rosine, celle qu’on appelait Tignasse, est toujours officier de la Garde pontificale. Eh bien, il est formel : l’Église catholique refuse les sacrements aux divorcés. Il faut obtenir devant la Rote romaine l’annulation d’un premier mariage pour pouvoir convoler religieusement. Et cela coûte si cher que seuls les princes et les rois peuvent y parvenir ! Ta mère ne pourra jamais se remarier devant un prêtre.
     
    – Elle pourrait s’en passer… ou se faire protestante ! Car nous, les réformés, nous ne sommes pas aussi durs et ne pratiquons pas la simonie à la mode papiste !
     
    – Je te trouve devenu bien tolérant. À quoi cela tient-il, s’il te plaît ? Qui as-tu rencontré pendant tes vagabondages ?
     
    Flora avait tout naturellement retrouvé le ton sec avec lequel elle gourmandait Axel quand il était enfant. Cela suffit pour agacer le jeune homme, qui décida, puisqu’on en était aux grands éclaircissements, de porter un coup de semonce à l’Italienne.
     
    – Tu veux savoir à quoi cela tient ? À l’horreur que j’ai maintenant de l’hypocrisie, surtout de celle des bigots, qu’ils soient catholiques ou protestants. Puisque tu cites le garde pontifical, ton beau-frère, eh bien, apprends que c’est sa femme, ta sœur, oui, Tignasse, qui m’a dépucelé. C’est la première femme avec qui j’ai couché : j’avais quatorze ans !
     
    Flora ouvrit démesurément la bouche, comme un baigneur qui se noie, puis se laissa tomber brutalement sur une bergère.
     
    – Tu mens, tu mens, ce n’est pas possible ! Tignasse n’a pas pu faire une chose pareille !
     
    – Non, Flora, je ne mens pas ! Et je garde à Tignasse une grande reconnaissance pour ce qu’elle a fait. Grâce à elle, j’ai su ce qu’il fallait savoir. J’ai été, dans tous les sens du terme, déniaisé. D’autres, au même âge que moi, ont appris maladroitement les gestes de l’amour, seulement les gestes, d’une effeuilleuse au milieu des vignes ou d’une domestique dans une soupente. Moi, j’ai eu la chance d’être initié avec patience, tendresse et sentiment. Car j’ai pleuré lorsque Rosine est partie rejoindre son mari, à Rome. Je l’aimais sans savoir ce qu’était l’amour. Première étreinte, premier chagrin. Si j’ai un jour un fils, je souhaiterais qu’il trouve une Tignasse ardente et douce sur son chemin.
     
    Flora Baldini demeura prostrée, comme abasourdie par ce qu’elle venait d’entendre. Elle finit par relever la tête et, les narines pincées, la bouche amère, fixa Axel de son œil noir.
     
    – Je compte que tu tiendras ta langue et n’iras pas te vanter de ce… de la possession d’une femme qui aurait pu être ta mère ! Que personne, jamais, n’apprenne cela !
     
    Axel sourit. Il prenait un malin plaisir à voir le désarroi coléreux de Flora, son exigence, très papiste, de sauvegarder les apparences. Il goûta un instant le pouvoir de Némésis, puis rassura Flora :
     
    – Tu es la seule avec qui je partage ce secret, qui m’est doux comme le sucre d’orge que Rosine m’a laissé au jour de son départ. Je l’ai conservé intact… en souvenir.
     
    – Pourquoi cette bouleversante révélation, dont tu imagines bien qu’elle me peine horriblement ? Je ne pourrai plus jamais regarder ma sœur en face, ni

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