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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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contraste, le lac, faire-valoir naturel de la montagne, restait d’un gris violacé, inapte, tel un miroir au tain usé, à refléter la blancheur des cimes.
     
    Simon Blanchod, comme tous les vignerons, guettait l’arrivée du redoux, qui libérerait la vigne de sa housse hivernale et permettrait au soleil de réchauffer la terre gercée. Axel Métaz attendait, lui aussi, la reddition du gel. Le grand froid privait d’ouvrage les carriers de Meillerie, près de sept cents hommes, et les charpentiers et calfats du chantier des barques. Or les entrepreneurs de Genève, Nyon et Morges attendaient livraison de leurs commandes. Ils préféraient à toute autre la pierre de Meillerie, car la configuration des couches de la carrière, immense dévalement plongeant dans le lac sur un front de cinq cents mètres, facilitait la division en moellons, tels quels utilisables comme pierre de taille. Il fallait donc reprendre, au plus tôt, l’extraction de la pierre et assurer son transport sur les grandes barques, souvent mises au sec pour réparations.
     
    Depuis que le Conseil d’État de Genève avait décidé, le 8 janvier 1817, que huit barques genevoises seraient employées aux transports des marchandises pour le canton, les naus – comme les appelaient encore les anciens bacounis – chargeaient chaque lundi, à Genève, Bellerive et Versoix, bestiaux, ballots, pièces et sacs de grain pour Nyon, Rolle, Morges, Ouchy, Vevey, Villeneuve, Le Bouveret et Saint-Gingolph.
     
    Cette exclusivité cantonale, étant donné les prix fixés par la Chambre de commerce de Genève, provoquait une rude concurrence entre les transporteurs vaudois et genevois. La compétition était d’autant plus vive que les autorités genevoises condamnaient à une amende de 150 florins les patrons des barques cantonales qui, « par un temps calme ou un bon vent, ne partiraient pas le lundi avant midi ». Les barques de l’entreprise Métaz-Rudmeyer devaient donc être prêtes pour assurer, aux meilleures conditions de prix, de sécurité et de rapidité, tous les transports d’un bout à l’autre du lac.
     
    Chaque jour de marché, les Savoyards débarquaient de leurs cochères châtaignes et bois de chauffage dont les Veveysans faisaient en hiver une grande consommation. Il se trouvait toujours de bonnes âmes pour porter une cruche de vin chaud aux bateliers transis après une traversée du lac à l’aube.
     
    Au premier matin de mars, avant même d’ouvrir les fenêtres, Axel sut, par la franche lumière qui forçait les fentes des persiennes, que le printemps risquait un coup de main. Sans doute, une brève reconnaissance sans lendemain. « L’hiver ne s’en va jamais sans se retourner », disait Blanchod. Frimas, flocons, givre et bise d’arrière-garde repousseraient cette incursion prématurée de la saison nouvelle, mais le lumineux envahisseur finirait bientôt par l’emporter, comme toujours, depuis le commencement du monde.
     
    Sur le ciel d’un bleu limpide, soudain nettoyé des brumes, les montagnes de Savoie se montraient dans leur splendeur. Le Blanchard, les Jumelles, le Grammont portaient encore leur bonnet blanc enfoncé jusqu’aux vallées, mais on savait que ces coiffes remonteraient peu à peu vers les sommets et que le soleil les réduirait, en quelques semaines, à l’état de calottes.
     
    Axel, sensible à ce changement de temps, sortit dans le jardin dont les allées avaient été dégagées et s’avança sur la terrasse jusqu’au bord du lac. L’air vif piquait les narines, mais des canards, abandonnant leur abri côtier, se dandinaient sur la croûte glacée de la berge avant de risquer un plongeon. Le nouveau maître de Rive-Reine tira de ce spectacle familier un regain de confiance et de bien-être.
     
    Il faisait honneur à la collation préparée par Pernette – tartines de pain frais nappées de miel et café brûlant – quand la cloche de l’entrée tinta.
     
    – C’est un cavalier, un vrai géant, crotté comme un barbet, qui vous demande, annonça Pernette.
     
    Axel identifia aisément le visiteur emmitouflé dans une houppelande : Lazlo, un des Zigeuner qui servaient Adrienne von Fernberg à Venise. L’homme retira son bonnet de fourrure à oreillettes enfoncé jusqu’aux yeux, libérant ainsi sa toison brune et bouclée.
     
    – Axou ? demanda-t-il en fixant Axel de son regard de fauve.
     
    – Oui. C’est la baronne qui t’env…
     
    Axel Métaz n’eut pas

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